: Présentation
"L’affaire" Jimmy Savile a fait les gros titres en Angleterre et depuis plus d'un an, elle ne cesse d’agiter la population anglaise. Jimmy Savile n’a pas vraiment d’équivalent français. Icône de la télévision pour jeunes, DJ à l’émission "Top of the Pop" sur la BBC, animateur de "Jim’ll Fix It", également sur la BBC, Savile avait un cercle de relations des plus vastes et hétéroclites. Il est mort il y a deux ans, et c’est un an après sa mort que le scandale éclate : Savile profitait de sa renommée et de son apparent goût pour les oeuvres de charité pour violer des enfants de 9 ou 10 ans et des ados. Et cela, durant plus de cinquante ans.
On peut se demander comment il se fait que rien n’ait filtré depuis tout ce temps, et pourquoi Savile n’a cessé de recevoir des honneurs au cours de sa carrière. En réalité, il semble que beaucoup de choses aient filtré, justement. Mais, on a systématiquement regardé ailleurs et certaines personnes avaient tout intérêt de faire passer tout cela pour des « rumeurs » ou des « ragots ». Les victimes ont ce point commun qu’elles étaient toutes persuadées qu’on ne les croirait pas, tant l’image de Savile, qui se voulait un grand « philanthrope », était rayonnante.
Il était intouchable, personne ne pouvait le critiquer, comme « une figure divine », déclare une de ses victimes. L’individu était aussi connu pour ses bonnes oeuvres, pour lesquelles il aurait levé 40 millions de livres. Les premières accusations contre Savile ont eu lieu en 1973, mais les victimes avaient perdu leur procès et avaient été citées publiquement.
En 2007, une plainte avait été déposée contre lui.
Un détective privé, Mark Williams-Thomas, a mené
l’enquête pendant 12 ans et a parlé à plusieurs victimes
de celui qui a été pendant 42 ans la star de Top of the Pops. Son enquête avait servi de base pour un court
documentaire sur les viols de Savile.
Le documentaire a été acheté par la BBC, qui avait décidé
de ne pas le diffuser parce qu’il impliquait des dirigeants
de la chaine, et aussi parce que la BBC préparait une
émission à la gloire de Savile pour noël.
A travers cette sombre histoire ce qui frappe, au-delà de la profonde impunité de Savile et la relative tranquillité avec laquelle il pouvait abuser ses victimes c’est le silence assourdissant qui a entouré cette « affaire » et ceci parait inconcevable. Puisque des gens savaient et qu’ils se sont tus, c’est qu’ils avaient intérêt à le faire. Et qu’est-ce qui pouvait retenir des gens à parler quand ils savaient qu’un homme commettait l’irréparable ?
Ce que nous souhaitons aborder, grâce à ce projet, c’est l’épineuse question de la responsabilité. A travers ce cas sordide, très particulier et symptomatique d’une société qui accorde une place démesurée aux médias en général et à la télévision en particulier et aux personnalités du monde du divertissement, nous explorerons le faisceau de complicités, de soutiens, d’appuis politiques, de compromissions, de non dits...qui ont conduit des hommes et des femmes à laisser faire et à se taire.
Jimmy Savile a pu abuser, sans jamais être inquiété de son vivant, près de 500 individus, pour la plupart mineurs, et qui en complète fascination pour celui qu’ils considéraient comme un “Dieu vivant”, n’avaient d’autres choix que de se perdre. En faisant fonctionner en parallèle deux narrations, celle d’une part du phénomène médiatique et spectaculaire “Savile” et celle, d’autre part de la mécanique implacable qui lui a permis d’agir au sein d’institutions étatiques (BBC, hôpitaux, hospices, orphelinat) sous couvert d’altruisme et grâce à sa notoriété, nous mettrons au jour son système.
Ce spectacle vient clore un cycle autour de cette
notion de responsabilité que nous avons déjà
abordé dans deux précédents spectacles. “Jimmy
Savile” sera présenté après “Fritz Bauer” et une
réécriture de “Médée”. “Fritz Bauer” abordait déjà
cette question autour de la figure emblématique
d’un procureur allemand retrouvé mort dans sa
baignoire alors qu’il avait consacré sa vie à mettre
en accusation les atrocités nazies et les soutiens
de la population allemande. L’action de ce juriste
devait, dans les années après guerre, permettre à
la “Nouvelle Allemagne” de se reconstruire sur des
bases saines.
“Médée”, posait, elle, la question de la culpabilité
d’une mère qui par désamour produit un acte “contre
nature”, celui de tuer ses propres enfants. En
reconstituant sur scène ses forfaits, nous avions
fait le choix de la soumettre aux jugements des
spectateurs.
La compagnie Théâtre DLR² explore, dans ses spectacles, le traitement de la violence et de la souffrance dans une quête constante d’offrir aux spectateurs la possibilité de s’en affranchir dans la vie réelle. Guidé par ce désir, le Théâtre DLR² a souvent abordé des thèmes douloureux car, comme l’évoque Peter Stein, nous avons la conviction que la vérité théâtrale prospère dans des situations bloquées, insupportables et catastrophiques et que la représentation de ces situations tragiques permet souvent de poser les problèmes et s’en libérer.
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