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Jeunesse blessée

+ d'infos sur le texte de Falk Richter traduit par Anne Monfort
mise en scène Falk Richter

: Comment avancer dans la vie sans se renier

Entretien deFalk Richter avec Jean-Marie Wynants - Le Soir, mercredi 4 février 2009

Dans « Jeunesse blessée », Falk Richter s'interroge sur le difficile équilibre entre fidélité aux idéaux de jeunesse et passage tardif à l'âge adulte.


Après l'énorme succès de Unter Eis, pièce tranchante sur l'univers des consultants de grandes entreprises, Falk Richter est de retour au Festival de Liège où il crée sa nouvelle pièce, Jeunesse blessée. Particularité : celle-ci sera créée en français par deux comédiens de chez nous, Fabrice Adde et Yoann Blanc et la formidable comédienne allemande Anne Tismer (Nora, 20 novembre).


JMW : Vos spectacles ont souvent pour thème les dérèglements de la société contemporaine. La crise actuelle change-t-elle la perception du public ?


FK : Celui-ci réagit encore plus fortement. J'ai écrit Unter Eis il y a cinq ans. À l'époque, beaucoup de spectateurs pensaient que je parlais d'un petit nombre de privilégiés. Maintenant, ils se rendent compte que les actions de ce petit nombre influencent notre vie à tous.


JMW : Vous êtes devenu un habitué du Festival de Liège…


FK : Jean-Louis Colinet vient régulièrement à Berlin et il a vu quasiment tous mes spectacles. Il est très intéressé par le théâtre qui explore l'univers de la société et du politique tout en cherchant des formes originales de mise en scène. Il y a deux ans, il m'a proposé de travailler ici. À l'époque, je n'avais pas le temps, mais on a continué à parler. Et cela aboutit à Jeunesse blessée. C'est la première fois que je réalise la première mondiale d'un de mes textes en dehors d'Allemagne. Et dans une autre langue que l'allemand.


JMW : Quel est le thème central de « Jeunesse blessée » ?


FK : C'est un peu le monde opposé à celui de Unter Eis. Après avoir parlé de ces consultants qui font et défont la politique des grandes entreprises, je voulais parler de ceux qui subissent leurs décisions. Il s'agit ici d'un trio au centre duquel on trouve un type qui essaie plus ou moins de lutter contre l'idéologie du travail comme centre de la vie : la carrière, la réussite commerciale, etc. Il est DJ et vit un peu comme un artiste free-lance. Mais à 35-36 ans, une telle position devient un peu tragique. N'avoir rien réalisé à 40 ans, c'est moins drôle qu'à 20 ans.


JMW : Il fait partie de ces vieux adolescents qui refusent l'âge adulte ?


FK : Oui. Il essaie toujours de vivre comme avant, mais cela devient pathétique. Bien sûr, c'est un thème sur lequel je m'interroge beaucoup : Comment résister au capitalisme, au libéralisme ? Comment ne pas devenir un artiste commercial ?


JMW : Le spectacle se déroule en trois parties…


FK : Oui, il s'agit de trois nuits, trois épisodes. Un peu comme dans un film. À l'occasion de son anniversaire, le jeune homme retrouve ses deux meilleurs amis. Une femme et un homme. La première vient de décider de se marier avec son boss. Elle travaille dans la pub et elle est enceinte. Le second est un écrivain qui, en publiant un livre sur leurs années de jeunesse, a fait un énorme succès. Il voudrait écrire un deuxième best-seller mais il n'a plus d'idées. Ensemble, ils reviennent un peu à leur passé et s'interrogent sur leur avenir.


JMW : Pourquoi ce titre qui pourrait laisser penser qu'il s'agit d'un spectacle sur des adolescents ?


FK : Parce que ces trois-là ne sont plus si jeunes, mais ils ne sont pas encore des « grandes personnes ». Ils sont à ce point d'équilibre où il faut faire un choix. Chacune des trois nuits est consacrée à l'une des trois personnalités.


JMW : Les questions qu'ils se posent sont aussi les vôtres ?


FK : Oui. Je me pose beaucoup ces questions : comment grandir, devenir adulte ? Autour de moi beaucoup de gens s'interrogent aussi. D'une certaine façon, toutes mes pièces parlent de ma vie, de ce que j'observe, des questions qui se posent à moi.


JMW : Comme dans « Unter Eis », vous ne restez pas figé dans le réel. Le spectacle glisse aussi vers quelque chose de plus onirique


FK : Il y a toujours un côté un peu irréel dans mon écriture et dans mon travail en général. Si je vais dans le « surréel », ça parle différemment au public. Curieusement, cela devient plus « vrai » que si je restais dans le réalisme pur.


JMW : Vous évitez le manichéisme…


C'est très important pour moi. Mes personnages sont à la fois victimes et agresseurs. Dans Unter Eis, je montre un consultant très actif dans le système. Il est donc un agresseur mais il va lui-même devenir victime de ce système. Plutôt que de stigmatiser des gens, je veux montrer que ce sont certaines idées qui sont mauvaises. Pour tous.


Dans Jeunesse blessée, le personnage central pense que grandir, cela signifie devenir ennuyeux, abandonner ses idéaux. J'aurai 40 ans cette année et la question du vieillissement m'intéresse. L'image que l'on donne des gens intéressants dans les médias, la pub, le cinéma, etc., c'est toujours lié à la jeunesse. Quand on vieillit, on a l'impression qu'on va être petit à petit exclu du monde.

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