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Je suis un pays

+ d'infos sur le texte de Vincent Macaigne
mise en scène Vincent Macaigne

: Entretien avec Vincent Macaigne (2/2)

Propos recueillis par David Sanson pour le Festival d'Automne.

Dans Je suis un pays, votre nouveau spectacle, un autre public (qui fait l’objet d’une billetterie séparée) sera également invité à monter sur scène pour assister à la représentation d'une autre pièce, Voilà ce que jamais je ne te dirai, spectacle indépendant à Je suis un pays ...


Vincent Macaigne : J'aime l'idée de cette superposition d'univers, de ramener d'autres spectateurs, qui arrivent un peu comme des martiens, pour découvrir un autre univers ; d'offrir à certains cette possibilité d'être à la fois spectateurs et partie prenante de ce monde-là. C'est vraiment comme une expérience...


Pour ce spectacle, vous êtes revenu à un texte de votre adolescence, Friche 22.66 : à quoi tient ce désir rétrospectif ?


Vincent Macaigne : En relisant ce texte, parfois très naïf, j'y ai trouvé une sorte de peur, le sentiment d'un monde en train d'exploser : cette perception du jeune homme que j'ai été m'a étonné et interrogé, je me suis dit que ça racontait quelque chose. Ce n'est pas vraiment rétrospectif, ce n'est pas non plus de la nostalgie, plutôt l'envie de me réinterroger sur cette espèce de grande inquiétude qui était la mienne adolescent. Il y a dans Friche 22.66 des choses entre autres d'Ubu roi, de Richard III ou d'Arturo Ui : c'est l'histoire d'un dictateur qui prend le pouvoir, il y a des rois, des reines, une sorte d'univers d'apocalypse, un côté un peu grand-guignol aussi, l'idée d'un monde burlesque...
C'est aussi une façon de me critiquer un peu moi-même, et de critiquer mes contemporains : ça parle de notre incrédulité face à des choses dont on pense qu'elles sont impossibles, mais qui, pourtant, arrivent... Je n'ai surtout pas envie de donner des leçons, mais plutôt de m'amuser avec ça, d'éclairer ce qui m’entoure de manière assez instinctive.


Peut-on résumer l'« histoire » de Je suis un pays ?


Vincent Macaigne : Pas vraiment. Disons qu'il est question d'un monde qui est en train de s'éteindre et de gens qui essaient de le sauver, mais qui le sauvent d'une manière naïve, parfois bête et drôle : une assemblée comme celles de l'ONU ou du G20 par exemple, avec tous leurs espoirs et leurs contradictions, burlesques et kafkaïennes... Les histoires, pour moi, sont un peu une excuse pour parler d'autre chose, de plus profond j’espère.


C'est donc le jeune artiste contemporain de cet autre « spectacle dans le spectacle », Voilà ce que jamais je ne te dirai, qui va sauver le monde de Je suis un pays ?


Vincent Macaigne : Il va en tout cas essayer de faire quelque chose pour réveiller les gens. Mais petit à petit, toute action dans ce spectacle va devenir un peu vaine. Comment tenter ? Là est la question...
Ce sera un spectacle, à mon avis, sur quelque chose qui avance dans le ratage, mais pas forcément d'une manière triste.


Voilà ce que jamais je ne te dirai pourrait-il être présenté de manière autonome, séparément de Je suis un pays ?


Vincent Macaigne : Non, je ne pense pas, même si c'est un spectacle complètement indépendant... Et de toute manière, ce sera davantage une expérience proposée au spectateur qu'un spectacle.


Le groupe, le collectif, c'est un moteur pour vous ?


Vincent Macaigne : Disons qu'un spectacle n'est pas fini tant que je pense que je n'ai pas encore convaincu le groupe d'ac- teurs. L'enjeu est d'être totalement convaincu de quelque chose pour pouvoir ensuite convaincre le groupe des specta- teurs : c'est la chose la plus importante pour moi. Cela demande beaucoup de temps et de travail, il y a tout le temps des ratés, c'est pour ça que je suis obligé de retravailler sou- vent. Mais quand le groupe est totalement convaincu de quelque chose, tout d'un coup le spectacle devient gracieux. Il cesse d'être un énième événement culturel, et devient une expérience.


Vous ne cessez de faire des choses, d'aller et venir entre le cinéma et le théâtre... Qu'est-ce qui motive votre envie de passer d'un domaine à l'autre ?


Vincent Macaigne : Je ne suis pas sûr de faire du théâtre à vie, je ne sais pas si je referai un autre spectacle après ça... Parce que j'ai encore envie de faire plein de choses : des installa- tions, de l'art contemporain, du cinéma... Ce qui est sûr, c'est que mes différentes activités se répondent les unes avec les autres, et qu'elles me permettent de survivre aux unes et aux autres.


Fin octobre sort au cinéma votre premier long métrage, Pour le réconfort, présenté au Festival de Cannes par l'Acid (Asso- ciation du cinéma indépendant pour sa diffusion) : de quelle manière ce film répond-il à En manque et Je suis un pays ?


Vincent Macaigne : Pour le réconfort – qui s'inspire de La Ceri- saie de Tchekhov – constitue presque, avec En manque et Je suis un pays, une trilogie. Le film parle d'un choc entre des couches sociales, et essaie de dessiner, avec humour, les ten- sions de la France.
J'ai aussi voulu filmer les acteurs qui m'accompagnent depuis toujours, comme Pauline Lorillard par exemple, qui joue dans Je suis un pays. J'ai fait ce film sur un coup de tête, en dix jours, au caméscope avec très peu d'argent. Mais j'ai essayé d'en faire le film le plus abouti possible avec les moyens que j'avais. J'ai voulu qu'il garde, comme mes spectacles, une efficacité, une drôlerie, pour qu'il puisse être le plus universel possible.


Vous avez déclaré un jour que l'art devait servir à « faire entendre le monde »...


Vincent Macaigne : Plutôt à faire entendre quelque chose qu'on entend ou qu'on a entendu du monde.


Le monde d'aujourd'hui, tel que vous disiez tout à l'heure le percevoir, serait donc en état d'« avant-guerre » ?


Vincent Macaigne : On a été élevé dans un monde d'après- guerre. On a étudié des metteurs en scène d'après-guerre, on a lu des romans, vu des films de gens d'après-guerre. On est rempli de choses qui sont déjà comme des membres morts de notre propre culture. Ce que je dis n'est pas péjoratif par rap- port au travail des autres, mais, oui, je me rends compte petit à petit que j'ai été élevé dans cette chose-là. Mais l'avenir, c'est autre chose.
Il va falloir qu'on réussisse à créer du mouvement un peu ailleurs. C'est notre responsabilité. Si on était normaux, on devrait tout arrêter, se réunir, réfléchir et parler ensemble, et essayer de reconstruire un système, un truc vraiment puis- sant.
Ce qui est triste, c'est que tout le monde ou presque est d'accord là-dessus. Mais on ne fait rien pour l’instant, mais je sens que ça arrive. Le geste artistique, maintenant, ce devrait être de créer des lieux, physiques et numériques, et de nou- veaux systèmes.

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