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Je meurs comme un pays

mise en scène Michael Marmarinos

: La Pièce

"Enfin, je n'ai pu m'habituer aux humains, mais c'est là une autre de mes infirmités."
Dimitris Dimitriádis


(...) "Cette année-là, aucune femme ne conçut d’enfant." Ainsi commence Je meurs comme un pays, première des trois oeuvres de Dimítris Dimitriádis à ponctuer notre saison : sur fond d'antique malédiction, pareille à celle qui frappa Thèbes dans les derniers jours du règne d'OEdipe. Comme Sophocle, Dimitriádis est Grec – et comme le note son traducteur, Michel Volkovitch, "il serait difficile de ne pas voir ici, dans ce cri de haine contre un pays pourri jusqu'à la moelle, écrasé par l'Église et l'armée, un reflet de la Grèce telle que Dimitriádis l'a connue, sous la dictature des Colonels, par exemple - même si ce portrait, publié en 1978, à un moment où la Grèce respire un peu après des années de tragédie, est tout sauf un compte-rendu réaliste des événements "alors". Si réalisme il y a, il consiste en effet à réinventer, à partir des ressources de la seule imagination, "un tableau complet de toutes les perversions et subversions, ... une synthèse des maux de toutes les époques passées, présentes et à venir..." La Grèce des mythes et celle de l'histoire se télescopent violemment pour faire jaillir de leur collision "un pays" qui n'a plus de nom et dont le peuple est irrémédiablement entré en déliquescence, "épuisé par les entrelacements de sa propre histoire et incapable de résister aux pressantes injonctions d'un égoïsme instinctif et d'un mépris incontrôlé mais conscient pour tout ce qui contribuait à la survie de la nation, ce qui revenait à assassiner la patrie avec préméditation et signifiait, ni plus ni moins, que l'idée de nation avait d'ores et déjà disparu sans retour". Ce texte fragmenté et jaillissant est d'une densité, d'une violence, d'une richesse de langue qui invitent à la profération. Il s'agit peut-être d'un témoignage : celui d'un historien ou d'une historienne - car le sujet paraît changer en cours de récit - qui aurait vécu plusieurs siècles après une inconcevable catastrophe. Ces quelques feuillets ressemblent aux restes d'un très ancien manuscrit à moitié consumé, où des points de suspension entre parenthèses signalent les passages manquants. Dans cette hypothèse, ce livre tronqué n'a ni commencement ni terme, et paraît avoir été relié par erreur (mais en est-ce bien une ?) avec une poignante lettre d'amour qui s'achève - mais la fin est manquante - en imprécation désespérée. Depuis sa publication, Je meurs comme un pays, texte hanté par des échos de la Bible et des grands tragiques, fascine les metteurs en scène. Après la très belle version pour voix seule, conçue par Anne Dimitriádis et interprétée par Anne Alvaro, la mise en scène monumentale de Michael Marmarinos et du Theseum Ensemble, déjà présentée aux Wiener Festwochen, au Festival d'Athènes et au Kunsten- FestivaldesArts de Bruxelles, convoque trente comédiens et une centaine de figurants.

Daniel Loayza

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