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Je me méfie de l'homme occidental (encore plus quand il est de gauche)

+ d'infos sur le texte de Jérôme Richer
mise en scène Jérôme Richer

: Le Spectacle

Après plusieurs spectacles ancrés dans l’histoire contemporaine (les brigades rouges en Italie, l’évacuation du squat Rhino à Genève, la guerre en Irak et les médias, la Suisse[1]), j’ai choisi pour Je me méfie de l’homme occidental de dresser le portrait de l’homme occidental en ce début de 21ième siècle. Je me méfie de l’homme occidental procède par fragments pour mieux éclairer la difficulté à être dans une société en perpétuelle mutation. Un spectacle pour oser parler de soi. Comme une forme d’autofiction théâtrale, chorégraphique et vidéo.



SE PLACER AU CENTRE


J’ai décidé pour ce projet d’écrire sur moi, sur mes amis, sur de simples connaissances. Cette démarche, loin de s’inscrire dans un processus narcissique, est motivée par la volonté de débusquer celui que je nomme l’ennemi intime, cette part personnelle qui nous conduit dans nos actes ou dans nos paroles à entrer en contradiction avec nos aspirations les plus profondes. Depuis que j’écris du théâtre, je me sers le plus souvent de moi comme objet d’étude pour débusquer les contradictions de l’humain (en particulier dans Ecorces, prix de la SSA 2008). J’ai décidé pour ce spectacle de pousser plus loin cette démarche et d’en faire le centre de mon récit. Ne plus me cacher derrière des personnages mais jouer de manière très consciente avec ce que je suis.


Le premier titre du spectacle était Je me méfie de la bonne conscience de l’homme occidental (encore plus quand il se prétend de gauche). J’ai supprimé la référence explicite à la notion de bonne conscience. Elle reste un des axes centraux du spectacle. La bonne conscience (ou la mauvaise conscience selon le point de vue où on se place) est un des maux principaux de notre société. Cette capacité que nous avons à justifier l’injustifiable par des compromis avec nous-mêmes. Cette capacité que nous avons à nous contredire dans nos actes (donner de l’argent pour Haïti suite au tremblement de terre et ne plus voir le mendiant devant la Migros). J’en suis venu à me méfier de plus en plus de mes semblables et surtout de moi-même.


Le propos du spectacle ne se veut pas moraliste. Mais sincère. Acceptons nos contradictions. Nous ne sommes pas tous de belles personnes. Nous sommes faillibles. C’est là que réside notre humanité. J’irais même jusqu’à dire notre beauté. Il y a la volonté de se placer vis-à-vis des spectateurs en position de fragilité, une fragilité assumée, une fragilité qui nous permet d’entrer en relation avec l’autre.


LE REFUS DU CYNISME


J’ai le souhait pour ce spectacle d’éviter l’écueil du cynisme. Le cynisme est une posture qui nous éloigne du spectateur. Le cynisme empêche l’engagement, la prise de risque. Je tends à vouloir réinventer un rapport au public. Comment recréer du lien ? Comment parler avec simplicité et sincérité du monde ? Comment éviter le moralisme ? C’est en plaçant pour moi l’humain au centre de nos préoccupations. Je tiens à impliquer pleinement les spectateurs. Ne pas juste leur donner une place de voyeur. Mais les transformer en quelque sorte en « acteurs ». Le spectacle dans sa forme sera très frontal. Il se jouera dans l’ici et maintenant.


UN TEXTE FRAGMENTÉ ET MUSICAL


Dans un premier temps, je concevais le spectacle comme une simple succession de textes courts sans autres liens que ceux créés par la scène. Puis progressivement en travaillant à l’élaboration du spectacle, en réfléchissant à ce qu’il m’importait de dire, d’écrire, je me suis aperçu que si le texte était effectivement fragmenté, il dressait toutefois de manière assez claire le portrait d’un homme. Un portrait qui se présenterait au public sous la forme d’un miroir brisé. Philippe Macasdar, le directeur du Théâtre Saint Gervais Genève, a parodié le titre d’un roman d’Heinrich Böll pour évoquer le spectacle : Portrait d’homme avec groupe.


Plus le temps passe, plus mon écriture devient musicale. Quand j’écris, quand je travaille avec les comédiens, je procède souvent à l’oreille. Pour Je me méfie de l’homme occidental, je radicalise cette démarche. Les textes sont vraiment travaillés en fonction de structures musicales. Ils sont faits pour sonner. Pour avoir une force poétique. Le travail sur le son ne se fait pas au détriment du sens mais en parallèle. J’ai le sentiment que ce que les spectateurs ne comprendront pas par le sens, ils l’intègreront par le son.


UN THÉÂTRE DE NOTRE TEMPS


Souvent nous entretenons l’idée qu’il faut révolutionner le théâtre. L’essentiel est plutôt de trouver comment pratiquer le théâtre de notre temps. Le public d’aujourd’hui n’est pas celui d’hier. Le public d’aujourd’hui est assailli par les images. Le trop d’images a presque fini par tuer l’empathie avec nos semblables. C’est dans cet environnement que je suis conduit à me poser la question de quel théâtre pour le spectateur d’aujourd’hui. Je me base sur un travail avec les comédiens ancré dans la sincérité. L’autre axe du travail est celui de la douceur. J’ai envie de douceur sur scène. Une douceur qui ne soit pas mièvre. Une douceur qui n’atténue pas l’horreur de certaines situations. Une douceur qui soit ferme. Une douceur qui n’aie pas peur de dire les choses. Une douceur qui soit le contraire de l’agression, de la posture moraliste.


UN SPECTACLE CHORÉGRAPHIQUE


La chorégraphe et danseuse Marcela San Pedro a participé aux trois derniers spectacles de la Compagnie des Ombres en tant qu’interprète et préparatrice physique. Nous avons souhaité continuer notre collaboration mais sous une autre forme. Elle sera présente comme collaboratrice artistique sur le spectacle. Notre volonté est de trouver un langage commun entre théâtre et danse pour nous inscrire dans une autre pratique des arts de la scène. Comment le corps, le mouvement de l’interprète prend-t-il en charge le texte ? Comment entrer en contact sur une scène ? Nous avons constaté que dans les spectacles de théâtre, les comédiens le plus souvent ne savent pas se toucher. Ils n’ont qu’une conscience partielle de leur corps. Aller vers soi pour aller vers les autres, c’est notre ambition.

Notes

[1] Naissance de la Violence (Une histoire d’amour) en 2007, La ville et les ombres en 2008-2009, 7 secondes en 2009 et Une histoire suisse en 2010.

Jérôme Richer

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