- Pourquoi cette envie de parler de Nina Simone ? Quel est votre lien avec cette artiste ?

C.L. : Nina Simone a été importante pour moi à l’adolescence. Un âge où la famille ne suffit plus et où on cherche des figures fortes auxquelles s’identifier pour se construire, pour s’échapper, affirmer sa différence et pour grandir. Ce qui est drôle, c’est que j’ai pu me sentir si proche et si touchée par une femme aussi différente de moi tant par l’époque, que par la vie, le caractère, la couleur de peau, le timbre de voix. Quelque chose dans son énergie et dans sa musique est venu faire vibrer une corde au plus profond de moi et cela m’accompagne encore aujourd’hui.

- Comment construire une pièce en duo avec un musicien – Nicolas Cloche pour cette pièce ?

C.L. : J’ai souvent travaillé avec Nicolas Cloche. C’est un partenaire idéal pour explorer et inventer car, en plus d’être un excellent musicien, il adore la scène, le travail de texte et de corps. Il était évident que nous allions raconter cette histoire ensemble, que la musique, les chants et le texte seraient mêlés et que notre rapport à Nina Simone serait inventif et irrévérencieux comme elle l’était elle-même quand elle revisitait les autres compositeurs. Dans ce spectacle, Nicolas Cloche est tour à tour l’accompagnateur, le soliste, mon double, Nina Simone, mais aussi le régisseur plateau, “l’ouvrier du drame” comme dirait Novarina.

- Que souhaitez-vous raconter à travers l’histoire d’une telle femme ? Est-ce un hommage, une biographie, ou tout autre chose ?

C.L. : Je n’ai pas voulu écrire “un spectacle sur Nina Simone”. J’ai eu envie de parler de l’adolescence, de l’entrée dans l’âge adulte et du lien que l’on tisse avec les artistes qui traversent nos vies, ce lien très intime dont ils ne se doutent pas. Pour parler de cette intimité, il a fallu que je plonge dans mes souvenirs. C’est donc un spectacle qui parle avant tout de la petite fille puis de la jeune fille que j’étais. De la peur de déplaire, du désir des autres, de la difficulté à se construire et à s’affirmer. Plusieurs artistes ont traversé ma vie à ce moment-là mais j’ai écouté Nina Simone avec particulièrement de ferveur, comme si plonger en elle allait apporter des réponses à toutes mes questions. Jouer à croiser nos vies était un défi passionnant. La raconter, la fantasmer et trouver, au milieu de toutes nos différences les points d’accroche, ce qui me rend sa musique si précieuse. A travers ce récit très personnel se glisse un hommage à cette femme au destin bouleversant, qui m’a aidée à grandir, à voir les choses autrement et à choisir d’être artiste moi-même.