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Iphigénie ou Le Péché des Dieux

+ d'infos sur le texte de Michel Azama
mise en scène Valérie Zipper

: Note d’intentions

Lorsque Michel Azama publie, en 1991, « Iphigénie ou le péché des Dieux » il écrit : « Chaque jour dans un lieu du monde s’accomplit le sacrifice de milliers d’Iphigénie ». Constat tragique d’un monde qui ne guérit pas de ses maux : antagonismes, conflits, folies guerrières et arbitraires minent la planète. L’auteur dédie cette pièce à la jeunesse d’aujourd’hui : cette tragédie moderne, écrite en prose, ne raconte pas seulement l’histoire d’une jeune fille sacrifiée au nom de la raison d’Etat, elle fait entendre le cri de jeunes gens pris au piège de manipulations qui les dépassent et les tuent. Et même si le théâtre ne peut changer le monde, ce texte, à la fois puissant et sensible, place l’humain face à lui-même, face à ses choix trop souvent funestes.


La pièce débute avec une scène où des Dieux, ironisant sur le débat démocratique tant prisé par les humains, décident de sacrifier Iphigénie, fille du roi Agamemnon. Qui sont ces Dieux cyniques et avides de sensations qui réclament la vie d’une jeune fille ? Au nom de quelle suprématie asservissent-ils les hommes ? Sont-ils si puissants qu’en leurs noms des crimes soient commis ? Ou bien sont-ce des épouvantails, des fantômes, des prétextes dont se servent les tyrans et autres puissants afin de justifier leurs homicides ?


Quel que soit le nom qu’on prête à ces Dieux, les humains ne cessent de les invoquer depuis la chute de Troie pour dissimuler leurs sombres actions, c’est pourquoi l’on est saisi par la modernité du propos de cette Iphigénie, pièce à la fois poétique, violente et sensible.


Pour moi, ces omnipuissants représentent une élite décadente, corrompue et débauchée, aux mains couvertes de sang et jouissant d’une totale impunité, qu’ils soient tyrans, dictateurs où magnats de la haute finance : ce sont des criminels sans foi ni loi.
Michel Azama propose une réflexion sur notre capacité à réagir face au déclin incessant des idées et des valeurs tout en portant un regard tendre et aimant sur la jeunesse d’aujourd’hui qui ne demande qu’à vivre, aimer, rêver et réinventer un rapport au monde. Cependant chacun réagit différemment face à l’oppression :
Iphigénie, bien qu’amoureuse, choisi de se présenter d’elle-même sur l’autel des sacrifices alors qu’Achille, d’abord effrayé par cet amour soudain et enflammé, ne supportera pas d’avoir perdu tous les êtres qui lui étaient chers, il sombrera dans une folie meurtrière.


Loin d’être pessimiste et noire, cette histoire nous emmène sur le chemin de la réflexion et incite le spectateur à inventer des résistances qui ne mèneraient ni à la mort ni au fanatisme.


Accompagnée d’une équipe de 8 artistes au plateau : comédiens, chanteurs, musiciens, danseurs, je vais à mon tour m’emparer de cette tragédie contemporaine, utiliser le mythe d’Iphigénie dont la prégnance dans la culture occidentale est à la fois étonnante et incontestable, pour dire le monde à ce moment de son histoire.
Les Dieux manipulateurs sont les instigateurs de la guerre économique, des assoiffeurs cachés derrière des écrans, de macabres spectres.
Le choeur est composé d’hommes et de femmes ballotés par les Dieux, une foule influençable qui ne se révolte pas, un peuple asservi et soumis qui tantôt subi, tantôt exécute aveuglément la volonté des Dieux. En contrepoint de cette masse à la conscience ramollie, il y a les héros tragiques qui se débattent et refusent l’arbitraire.
Agamemnon est seul face à sa conscience, main armée des Dieux, il n’est que l’instrument d’une « Ignoble boucherie ». Clytemnestre, bien qu’elle pousse son cri, est rongée par le chagrin et la haine. Et puis il y a Achille, jeune guerrier à l’avenir prometteur, dont le destin bascule dès lors que son chemin croise celui d’Iphigénie, jusqu’au bout il va tenter de sauver celle qu’il aime, mais seul il ne peut rien.
La pièce se termine sur son appel à la guerre, au sang, à la mort. Cette réaction passionnelle et désespérée, bien que compréhensible, ne doit pas apparaître comme la seule réponse possible à la barbarie mais faut-il rappeler que bien souvent la violence engendre la fureur ?


Et enfin Iphigénie, jeune fille élégante, raffinée, sensible et intelligente, elle paraît être une victime passive et résignée, mais Michel Azama en fait une héroïne déterminée qui garde la tête haute et nous dit : « …Faites rouler mon nom dans la nuit où stagne le temps ». Il résonne encore ce nom comme un bourdonnement lancinant : certes « Chaque jour dans un lieu du monde s’accomplit le sacrifice de milliers d’Iphigénie » mais dans le même temps, dans des lieux du monde, des jeunes, armés d’ordinateurs et de téléphones portables, s’organisent pour faire entendre leurs voix…

Valérie Zipper

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