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Insultes au public

+ d'infos sur le texte de Peter Handke traduit par Anne Monfort
mise en scène Arnaud Troalic

: Prologue

Depuis début 2009, je travaille à constituer une équipe pour un nouveau projet, qui questionne la docilité de l’humain face aux absurdités du monde contemporain.


Certains axes de travail se sont portés sur l’excès de technologie, les communications par interface, la déresponsabilisation, la servitude volontaire.


En 2004 nous avions créé en collectif le projet « Etats Civils » pour se questionner sur l’isolement et la perte d’identité. Le choix des oeuvres s’était porté sur des figures qui pouvaient mettre en question une crise du sujet, dans sa collision en tant qu’individu avec l’espace social.


Aujourd’hui l’individu cherche coûte que coûte à sortir de son isolement par le biais d’une communication effrénée. Je communique donc j’existe. Avec des interfaces communicantes toujours plus perfectionnées, nous échangeons davantage et avons la sensation de nous rapprocher les uns des autres. De faire abstraction des distances qui nous séparent. Nous sommes au courant des faits et gestes de nos milliers d’amis que nous croisons rarement.


Privés de cette rencontre charnelle, nous travaillons notre image, notre masque social, l’image de notre intimité affichée au grand jour, pour laisser paraître le meilleur de nous-mêmes. Nous ne sommes plus isolés individuellement, nous sommes isolés ensemble. Nous finissons par jouer le rôle de nos avatars fantasmés. Nous sommes continuellement en représentation.


Depuis « Borges Vs Goya » de Rodrigo Garcia que j’ai mis en scène en 2007, « Outrage au public » est la pièce qui revenait de façon récurrente dans mes réflexions. Je pense qu’il s’agissait dans un premier temps d’une envie de plateau, de comédien. (A près les premières lectures, j’appelais cette pièce « outrage aux comédiens »). Je pense que c’est une performance en soi que de s’approprier ce texte.


Peter Handke a 23 ans quand il écrit « Outrage au public » en 1967, comme un cow-boy insolent, il a une vraie volonté de chambouler les codes de la représentation, de questionner la place de ceux qui regardent, leur faculté de jugement. Une vraie provocation pour l’époque, un « ovni ».


La traduction littérale de « Publikumsbeschimpfung » est « Insultes au public ». Dans sa traduction de 1967, Jean Siegrid faisait le choix du titre « Outrage au public » sans doute pour annoncer un outrage aux formes théâtrales de l’époque. Je retiendrai le titre de « Insultes au public » pour ne pas méprendre les spectateurs d’aujourd’hui. Cette pièce n’a rien d’outrageant, mais convoque bel et bien le public pour un rendez-vous d’insultes !


« On vous insultera car l’insulte est aussi une façon de vous parler. En vous insultant, nous pouvons parler directement. (…) Parce que nous vous insultons, vous ne nous entendrez plus, vous nous écouterez. (…) Parce que vous serez insultés, votre immobilité et votre fixité seront enfin à leur place. Mais nous ne vous insulterons pas, nous n’utiliserons que les insultes que vous utilisez, vous. Nous nous contredirons dans les insultes. (…) Comme vous êtes prévenus, vous pouvez aussi vous accommoder de ces insultes. Puisque le tutoiement représente déjà une insulte, nous allons pouvoir dire tu. Vous êtes le sujet de nos insultes. »


Ce passage annonce pas moins de 13 paragraphes d’insultes au public avant de souhaiter « Bonne nuit » aux spectateurs.


Monter cette pièce en 2010 n’est pas simple si l’on ne souhaite pas en faire une pièce historique ou une « pièce document ». Il est important pour moi de m’approprier les enjeux de l’époque pour voir quelles résonances ils ont aujourd’hui, à nos âges, dans notre pays et au sein de cette société que nous construisons.


J’ai donc commencé à travailler sur la version originale avec Anne Monfort pour être au plus près de la langue de Handke, ce passage de l’allemand au français me rapproche de l’auteur et soulève une multitude de questions qui enrichissent nos discussions et nos imaginaires.


Plus je travaille sur la nouvelle traduction et plus je sens comme un cri au public. Un cri pour nous maintenir en veille face à toutes ces inventions néfastes que notre société s’inflige à elle même.


« Insultes au public », comme une veille des codes de représentations que notre société réinvente au profit du marché. Décoder les représentations pour ne plus être spectateurs mais acteurs de notre temps.


En 2010 « Insultes au public » me permet de prendre notre société comme sujet en crise.

Arnaud Troalic

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