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Ils se marièrent et eurent beaucoup

+ d'infos sur le texte de Philippe Dorin
mise en scène Sylviane Fortuny

: Réflexions à propos d'écriture

La première chose que je dis aux enfants, c'est que je ne sais pas quoi dire. Je n'ai aucune vision lointaine de l'histoire que je veux raconter. J'essaie de ne pas voir plus loin que le bout de mon nez. Je porte mes pensées jusqu'au bout de la phrase. Entre l'histoire que j'aurais envie d'écrire et celle que j'écris réellement, il y a un grand fossé. Ce n'est pas moi qui choisis. Sur le papier, ce sont les mots qui commandent. Moi, j'en ai plutôt peu à ma disposition. Avec ce peu, il faut bien que j'en fasse une histoire.


Mon premier travail quand j'écris, c'est de me défaire de l'histoire que j'ai écrite avant, de revenir à la page blanche. Cela peut prendre très longtemps.


Je compare souvent l'écriture à une biche qu'on aimerait voir dans la forêt. Il faut se lever tôt. Il faut marcher longtemps. Il faut se mettre dans un coin et ne plus bouger. L'immobilité doit être totale. Il faut se faire oublier du monde entier. Et malgré toutes ces recommandations, on ne voit rien passer. Alors, il faut y revenir le lendemain, le surlendemain et les jours d'après. Et peut-être qu'au bout de quelques mois, on aura la chance d'apercevoir quelque chose. L'écriture, il faut toujours être au rendez-vous. C'est pour cela que ça devient le centre de votre vie.


Quand des enfants me demandent d'écrire une histoire avec eux, ou quand on me propose d'animer un atelier d'écriture, je dis que ce sera tout sauf de l'écriture. Écrire, c'est une chose qui se fait tout seul. Écrire, c'est d'abord assumer le fait d'être seul, que personne ne peut vous aider, qu'il n'existe aucune méthode. C'est à chacun de trouver sa singularité. Dans un atelier d'écriture, le véritable écrivain, c'est peut-être celui qui n'arrive pas à mettre trois mots.


L'écriture, ça ne vous appartient jamais. C'est quelque chose qui vous est transmis par vos pairs, et qui peut s'arrêter demain. L'écriture, ça se loue !


L'écrivain ne doit jamais levé les yeux de sa page, pas avant d'avoir écrit le mot fin, pas avant d'avoir posé le point final sur sa feuille comme une pierre sur ses pensées pour pas qu'elles s'envolent.


Le cauchemar que je fais toujours, c'est qu'il est 20h29 et que je n'ai encore rien écrit. Dans les loges, les comédiens maquillés attendent leur texte. Dans la salle, le public attend que le rideau se lève.

Philippe Dorin

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