J'ai voulu faire de cette pièce un poème-concert. Pour cette femme qui décide soudain de mettre à bas ce qui la mine, la révolte rêvée se niche dans l'acte brutal de (se) raconter. Il n'y a pas de certitude… et nous voilà plongés dans l’anecdote et dans le mythe tout à la fois, dans l'obscène du témoignage comme dans l'absolue violence des mythes anciens.

L'insurrection du verbe appelle un travail sur la voix comme matière organique, prolongement invisible du corps qui se dresse et s'ébroue. Face à cette personnalité suffocante qui refuse le déni et le consentement, j'ai choisi de mettre en scène une pure parole portée, performée, tout juste poétisée par la scénographie et le costume.

L'actrice évolue dans un espace où seuls trônent un micro sur pied, une chaîne hifi, une pile de CD. Est-ce la chambre d'un hôpital ? La loge d'une interprète abîmée répétant son rôle ? Par leur extrême simplicité, la banalité des quelques éléments qui les composent, scénographie et costume jouent de l'effet d'intimité violée qui caractérise les fictions documentaires ou les vidéos amateurs que l'on peut voir sur Youtube.

La musique, choisie en direct par l'actrice et lancée depuis la chaîne hifi, creuse ce semblant de caméra embarquée. Piochée dans les CD de façon aléatoire puis bazardée négligemment, reprise, interrompue, déformée, elle habite les silences, porte le discours ou le violente tour à tour. Défiant le tragique des propos, elle autorise le rire quand bien même celui-ci reste étranglé dans la gorge.

Le poème se fait concert, scène d'assouvissement des fantasmes de l'être empêché, lieu d'évasion et de gloire pour une vie marquée dont la banalité, pourtant, étouffe.

Keti Irubetagoyena