: Notes de Gérard Watkins
Dogme 95/
En relisant ce que les réalisateurs Thomas Vinterberg et Lars
Von Trier s’étaient raconté pour créer le dogme 95, je me suis
aperçu que je m’étais imposé certaines règles concernant
l’écriture du théâtre intimiste et minimaliste d’Identité. Et j’ai
voulu les prolonger dans la mise en scène, qui pour moi est un
prolongement de l’acte d’écriture. Les règles et restrictions du
théâtre n’étant pas les mêmes qu’au cinéma, je les ai
réorientées à ma manière. Pas d’entrée ni de sortie des
personnages. Unité de lieu, évidemment. Pas de chaises, de
canapé, de table, ni de fenêtres. Pas de bande son. Pas de
construction de décor. Un seul élément de décoration
achetable dans le commerce. (Ici, une moquette à poil long)
Pas d’armes à feu. Une seule source de lumière, ou direction
de lumière. Pas de noirs entre les scènes, au profit d’un seul
effet qui dure toute la pièce. Ce que j’aime dans cette
recherche, c’est la subjectivité des restrictions, de ce que l’on
considère intimement comme artificielle.
Jeunes hommes en colère
John Osborne avait lâché une bombe en 56 au Royal Court
avec une pièce intitulé Look Back in Anger (bizarrement
traduit la paix du dimanche, mais c’est difficile à traduire : « la mémoire en colère » paraît un peu pompeux). Il aura fallu
attendre le Blasted de Sarah Kane, 40 ans plus tard, pour
retrouver ce niveau de polémique. J’ai toujours aimé ce
théâtre-là et j’ai voulu m’y abandonner. Dans la pièce de
John Osborne, Jimmy Porter disait : « et si on jouait à un jeu, si
on faisait semblant qu’on était des êtres humains ? ». Marion
Klein pourrait dire la même chose.
L’amendement Mariani.
C’est une colère qui a guidé et qui a fabriqué la fiction
d’identité. J’ai simplement retourné l’absurdité de cette loi sur
un couple d’européens d’aujourd’hui. La famille, telle qu’elle
s’invente aujourd’hui, n’a rien à voir avec l’hérédité.
Le théâtre politique n’est pas une fin en soi, car quand on
travaille en profondeur, les réalités deviennent de plus en plus
complexes et irrationnelles. Pour faire face, dés réponses
artistiques doivent se multiplier pour créer une richesse de
point de vue. Pour cela, je trouve la pratique du théâtre
aujourd’hui en France étrangement absente, par rapport au
cinéma ou la musique. Or les possibilités d’échapper aux
leçons de morales creuses par la présence des corps et de la
poétique y sont infinies.
Rafle du Vel d’Hiv
J’ai voulu écrire un texte d’histoire, trouver une forme de
théâtre d’histoire, et j’ai fait beaucoup de recherches sur la
rafle du Vel d’Hiv. Je n’ai jamais réussi à trouver la forme, ni le
théâtre pour ça. Mais cette recherche est très présente dans
Identité. Je pense que je dois m’accepter, et accepter le fait
qu’il doit toujours y avoir une part d’invention et de torsion des
réalités dans ce que j’écris. J’ai beau déguiser cette pulsion
avec des situations de plus en plus réalistes, c’est toujours là.
Mais on a caché et masqué cette histoire trop longtemps. Et
elle ressurgit dans Identité, à une place assez centrale.
Comme si elle scellait le destin des personnages et de leur
choix.
Gérard Watkins
Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné,
Je me connecte
–
Voir un exemple
–
Je m'abonne
Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.