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I Would prefer not to

+ d'infos sur le texte de Selma Alaoui
mise en scène Selma Alaoui

: La mélancolie

En travaillant à l’adaptation, Selma Alaoui a toujours eu en tête qu’I would prefer not to devait être comme une vivisection de l’âme. Mot un peu démodé : « âme ». Elle ne l’entend pas au sens religieux, mais plutôt scientifique (le mot n’évoque pas une chose aérienne, mais de la matière vivante). Donc, elle s’est intéressée aux études médicales sur la mélancolie, à ce que la psychanalyse en dit, à ces tentatives très rationnelles de pénétrer une âme humaine, un coeur, un cerveau.
Pour Freud, le mélancolique est un être qui ne sait pas perdre. Personne n’est mort, et c’est bien cela le désastre : sa mélancolie est le résultat d’un deuil sans objet. Il a en permanence la sensation d’avoir subi un préjudice, sans savoir lequel. Il se sent privé de quelque chose, sans savoir de quoi. En découle une peine qui se nourrit d’elle-même et n’a pas d’issue, puisqu’elle n’a pas de motif réel. En tout cas, le mélancolique est persuadé qu’il lui manque une « chose» inidentifiable, qu’il se met à adorer et haïr, car sans elle il ne peut vivre alors qu’elle lui échappe en permanence.


Dans la tradition picturale de la mélancolie, il y a souvent une analogie entre le mélancolique et le monde qui l’entoure. On retrouve partout le motif du « paysage état d’âme ». C’est pourquoi le paysage d’I would prefer not to change de visage au gré de l’état mental des personnages. Chez le mélancolique, les frontières entre fiction et réalité sont en permanence brouillées. C’est comme s’il se trouvait dans un état de conscience modifié : le vrai et le faux, le fantasmé et le réel coexistent. Il n’y a pas d’état normal, seulement de l’extra lucidité ou du délire. C’est pourquoi, dans I would prefer not to, la drogue n’est jamais loin, qu’elle soit sous forme d’alcool, de sexe ou de cocaïne. Elle est ce qui propulse dans un état second, procure l’extase, extrait de la solitude ; elle est aussi ce qui abîme et permet au mélancolique de relancer incessamment la défaite de sa vie. Tous les personnages ont des comportements addictifs, toxicomanes ou boulimiques.

Toujours en suivant cette logique de rupture, I would prefer not to essaie de transcrire la désorganisation des pulsions du mélancolique. Maladie du moi, la mélancolie serait comme un dérèglement de l’articulation des pulsions de vie et des pulsions de mort (pour la psychanalyse, nous n’avons pas de vraie représentation de la mort dans notre inconscient ; la mort est présente chez le vivant mais sous forme de pulsion de mort, mêlée à une pulsion érotique).Ainsi, les personnages d’I would prefer not to offrent leur corps et leur destin à des pulsions de mort exacerbées : la souffrance est toujours érotisée - ou conduit à une jouissance morose. Il y a une place pour l’érotisme dans le spectacle, mais un érotisme un peu étrange, un peu obscur, jamais pleinement vécu.

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