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Huis clos

+ d'infos sur le texte de Jean-Paul Sartre
mise en scène Jean-Louis Benoît

: Présentation

Mettre aujourd’hui sur la scène Huis clos de Sartre c’est peut-être simplement rappeler à l’homme qu’il est libre. Du moins, condamné à la liberté. Qu’il est seul responsable de ses actes, étant un choix absolu de lui-même. Le déterminisme n’existe pas. Si cette pièce écrite en 1943 est encore représentée et étudiée aujourd’hui, c’est parce qu’elle « parle » intensément de ce que nous sommes hic et nunc, face à nous-mêmes et face au monde. Publiée peu après L’Etre et le Néant, Huis clos est comme l’illustration en « spectacle vivant » de la pensée existentialiste. Simple et brève, violente et drôle, écrite selon une mécanique narrative implacable, cette pièce « athée » fit scandale et débat en son temps, car elle balayait le conformisme d’une pensée bourgeoise et présentait un style de langage « vrai », c’est à dire audacieux pour l’époque.


Un garçon d’étage introduit dans un salon, un journaliste-publiciste nommé Garcin, une ancienne employée des Postes, Inès, lesbienne, et une jeune mondaine, Estelle. Ce salon, lieu banal de notre vie de tous les jours, c’est l’Enfer. Rien d’infernal pourtant dans ce décor qui semble être le nôtre. Ces trois personnes « mortes » vont s’y livrer un combat qui leur fera réaliser le sens de la vie et de la mort. Pendant le temps réel de la représentation, ils s’interrogent sur leur damnation, dissimulés sous les masques de la mauvaise foi et de la lâcheté. Chacun a besoin de l’autre pour exister, prendre conscience de soi. Mais le regard d’autrui est aussi une menace. L’Enfer c’est les autres.


« Quand on écrit une pièce, nous raconte Sartre lors d’une interview en 1965, il y a toujours des causes occasionnelles et des soucis profonds. La cause occasionnelle c’est que, au moment où j’ai écrit Huis clos, vers 1943 et début 44, j’avais trois amis et je voulais qu’ils jouent une pièce, une pièce de moi, sans avantager aucun d’eux. C’est à dire, je voulais qu’ils restent ensemble tout le temps sur la scène. Parce que je me disais, s’il y en a un qui s’en va, il pensera que les autres ont un meilleur rôle au moment où il s’en va. Je voulais donc les garder ensemble. Et je me suis dit, comment peut- on mettre ensemble trois personnes sans jamais faire sortir l’une d’elles et les garder sur la scène jusqu’au bout comme pour l’éternité.


C’est là que m’est venue l’idée de les mettre en enfer et de les faire chacun le bourreau des deux autres. Telle est la cause occasionnelle.


Mais il y avait à ce moment-là des soucis plus généraux et j’ai voulu exprimer autre chose dans la pièce que simplement ce que l’occasion me donnait. J’ai voulu dire : l’enfer, c’est les autres. Mais “l’enfer, c’est les autres” a toujours été mal compris. On a cru que je voulais dire par là que nos rapports avec les autres étaient toujours empoisonnés, que c’étaient toujours des rapports infernaux. Or, c’est autre chose que je veux dire. Je veux dire que si les rapports avec autrui sont tordus, viciés, alors l’autre ne peut-être que l’enfer. Pourquoi ? Parce que les autres sont au fond ce qu’il y a de plus important en nous-mêmes pour notre propre connaissance de nous-mêmes. Quand nous pensons sur nous, quand nous essayons de nous connaître, au fond nous usons ses connaissances que les autres ont déjà sur nous. Nous nous jugeons avec les moyens que les autres ont, nous ont donné de nous juger. Quoique je dise sur moi, toujours le jugement d’autrui entre dedans. Ce qui veut dire que, si mes rapports sont mauvais, je me mets dans la totale dépendance d’autrui. Et alors en effet je suis en enfer. Et il existe une quantité de gens dans le monde qui sont en enfer parce qu’ils dépendent trop du jugement d’autrui. Mais cela ne veut nullement dire qu’on ne puisse avoir d’autres rapports avec les autres. Ça marque simplement l’importance capitale de tous les autres pour chacun de nous. »


Les personnages de Huis clos sont des salauds. Ils se sont comportés de façon odieuse au cours de leur vie, allant même jusqu’à tuer. Ils ne l’avouent pas facilement, car ce sont aussi des lâches et des gens de mauvaise foi. Le supplice de ce trio où toute alliance s’avère vite impossible, est que chacun est le bourreau de l’autre. Ils vont découvrir que c’est là, dans le même lieu, qu’ils vont devoir vivre ensemble éternellement : face à eux-mêmes sous le regard de l’autre, leur existence ne pourra qu’être infernale.


La scène même du théâtre n’est-elle pas le lieu où Garcin, Estelle et Inès sont tout d’abord regardés avant de se regarder tous trois ? Les spectateurs dans la salle sont aussi les autres (premier titre donné par Sartre à sa pièce), voyeurs impitoyables. La scène de théâtre, lieu de jeux, de masques, de faux semblants, d’illusions et de mensonges, sera donc aussi le huis clos de Garcin, d’Inès et d’Estelle. Qui est mieux placé que l’acteur de théâtre pour amplifier le sens de la phrase écrite par Sartre: « Je suis regardé dans un monde regardé » ?

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