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+ d'infos sur le texte de David Storey traduit par Marguerite Duras
mise en scène Yann Mercanton

: A propos du spectacle

Où se situe l’action de Home ? Dans un asile pour vieillards? Un hôpital psychiatrique? Une petite île perdue en plein milieu de la Manche? Peut-on répondre précisément à cette question? Ce qui est sûr, c’est que Home est le point de repère de cinq personnages à la dérive. Home est le cadre d’une humanité qui ne sait plus vraiment où elle est. C’est le nom que l’on a donné à ce lieu par dépit.


Le récit est articulé en deux actes. L’acte I se déroule avant le déjeuner, l’acte II à la sortie de table. C’est à se demander si le repas a été vraiment servi. C’est comme si David Storey avait écrit: « Avant, il y a la faim. Après, il y a l’attente digestive ». Et c’est le moteur de toute action humaine: tuer pour manger, manger pour rester en vie. Cette pièce se joue dans cet intervalle de la survie.


Cinq personnages sillonnent l’espace, tout encombrés du poids de leur vie: dérisoire, drôle et pathétique. Trois hommes et deux femmes. Jack et Harry forment une amitié qui regarde le passé et qui s’accommode du mensonge pour embellir le présent. Marjorie et Katleen, quant à elles, vivent les deux pieds dans l’instant car elles sont guidées par leur libido et la souffrance de leur corps. Ces deux couples se cherchent dans ce lieu improbable et le rire naît de la collision entre ces deux folies.


Entre eux, il y a Alfred, un personnage de l’ombre, peu loquace et capable de violence. Il déplace les repères, perturbe l’action. Il est le grain de sable dans un engrenage qui disfonctionne depuis longtemps.


Le récit de Home n’a ni début ni fin. Il n’est qu’immédiateté et situations qui s’enchaînent. C’est dans sa brièveté et sa sobriété que ce texte donne le pas à l’action. L’ôdieuse compagnie y voit un terrain de jeu inespéré. Dans Home tout est possible, tout peut se produire et nous troubler par la poésie ou par la violence des mots et des personnages.


UNE LANGUE DE LA SUSPENSION


«Ce qui manque le plus, c’est la persévérance. On entreprend quelque chose. On ne termine pas. On abandonne.» Cette phrase de Jack à la fin de l’acte II résume, à elle toute seule, la langue de David Storey. Dans Home, les mots ont une consonance impressionniste. La plupart des phrases sont brèves, pour ne pas dire avortées.


Les points de suspension donnent de l’espace au jeu de l’acteur. La communication est difficile entre les personnages: on se comprend mal, on interprète à l’envers. Le comique naît des quiproquos ou de collisions d’idées: «C’est une femme délicate», dit Jack. «Enfin… très robuste», répond Harry. L’un faisant allusion à la qualité humaine de sa femme, l’autre à son physique.


Cette prise de parole avortée donne l’impression que les personnages sont sans cesse rattrapés par l’émotion, par la folie et qu’ils n’arrivent à rien finir. Ils ne sont que des instants de vie et de vérité. Des éclats de commencement qui ont une valeur musicale et rythmique particulière. La langue de David Storey résiste mal à un mauvais phrasé. C’est une langue fragile, scintillante et suspendue. Les personnages qui la disent sont à l’image de celle-ci puisque la parole est une des seules choses qui les rappelle à la vie.


UN THEATRE DE L’IMPROBABLE


Home présente un univers particulier. Il s’agit d’un texte qui met à l’épreuve la logique et le monde tel que nous le concevons chaque jour. Jusqu’à présent, l’ôdieuse compagnie a traité des thèmes et des personnages qui s’inventaient une réalité propre. Il n’en demeurait pas moins que ces personnages avaient conscience qu’ils vivaient dans la même réalité que le public, même s’ils tentaient de l’améliorer.


Dans Home c’est le public qui plonge dans le monde de la folie. C’est un univers qui ne répond plus aux critères de notre réalité. Tout peut se passer. Rien ne répond à notre logique. C’est un univers sans référence, ni contexte parce qu’il vit sur lui-même. Evidemment la langue utilisée par les protagonistes peut nous paraître réaliste, mais le décalage qui existe entre les paroles et les actes est tel, qu’il annule toute référence à ce que nous connaissons. C’est un monde à part entière. Le théâtre que nous voulons tisser au fil du travail est celui de l’improbable. Que reste-t-il quand cinq individus n’ont plus rien à perdre? Que se passe-t-il lorsqu’il n’y a plus rien à attendre? Notre compagnie est persuadée que c’est à ce point de non-retour que tout peut se produire et que l’on peut toucher à un théâtre d’une grande fragilité et d’une grande inventivité.


Pour atteindre notre objectif, le travail de mise en scène s’articule autour de deux axes:


- Un travail d’improvisation de façon à réunir du matériel corporel. Dans ce cadre, nous travaillons uniquement sur des canevas d’actions sans parole. Les trois outils que nous utilisons pour ce travail sont: l’objet (ou accessoire), le corps et la musique. Cette recherche a pour but de toucher à l’aspect surréaliste de l’univers que nous voulons créer. Ce travail se déroule en relation directe avec la composition de la musique de Stéphane Blok.


- Un travail approfondi sur la langue et le phrasé. Trouver le fonctionnement de la langue de David Storey est l’objectif de notre travail à la table. Comment est-ce que les mots sonnent? Quelle est la valeur rythmique de chaque groupe de mots? Quelles sont les interactions entre les répliques et ce qui est sous-entendu dans le texte? De quelle façon peut-on séquencer le texte lors de la mise en scène afin de renforcer la situation qui se joue?


A partir de ces deux axes de travail, la mise en scène consiste au montage des scènes en privilégiant une collision entre le verbe et l’action. Il s’agit de construire un montage extrêmement minutieux du matériel élaboré et de trouver le fonctionnement de cet univers décalé afin d’élaborer un spectacle précis, inventif, tendu, et débridé.


DES CORPS FAITS D’ETRANGETE


Dans Home l’accent sera mis sur la potentialité du corps de l’acteur pour exprimer ce qui n’est pas dit avec les mots. Tout comme la langue, les corps des cinq personnages disfonctionnent. Pour ce projet, nous avons choisi de travailler avec des acteurs qui ont une corporalité très différente les uns des autres. Le contraste des personnages et la diformité des corps ont été des critères essentiels pour déterminer la distribution des rôles.


Dans Home les corps sont mûs par une dynamique faite d’animalité et de monstruosité de sorte que le spectateur se demande comment fonctionne cet étrange individu qui vit devant lui. Le corps est le terrain de la suprise et de l’effroi. La beauté est plus loin, car elle naît du rapport entre les personnages, lorsque le silence fait place à l’émotion.


C’est peut-être dans ce type de rapport au mouvement que réside la libération du corps. Une fois que l’animalité du rôle est engagée, comment peut-il se mouvoir autrement et se libérer de son poids? Cette approche corporelle influencera le rythme du spectacle ainsi que la «texture» du temps dans lequel évolue les cinq personnages.


LA MUSIQUE COMME MOTEUR DE L’ACTION


La musique de ce spectacle sera composée par Stéphane Blok qui jouera également le rôle d’Alfred, le perturbateur. Dans Home la musique est action. Elle est partenaire du jeu de l’acteur. Par la présence sur scène de celui qui l’a créée, elle fragmente le temps, elle met en mouvement l’action et la questionne.


Notre objectif est de trouver comment la musique peut engendrer le récit, le perturber ou le faire rebondir. Cette approche a été probante lors de nos derniers projets et nous souhaitons explorer plus intensément les possibilités que nous offre ce type de démarche.


POURQUOI HOME ?


Depuis sa création, l’ôdieuse compagnie a initié cinq spectacles: Petites fêlures de Claude Bourgeyx, 1 = 3 d’après Serge Valletti, Les Présidentes de Werner Schwab, A tapette et à roulette et Zéro de conduite de et avec Yann Mercanton. Le point commun entre ces cinq productions théâtrales réside dans le fait qu’elles parlent toutes d’individus décalés qui portent tous des multiples en eux.


Dans chaque travail de création, notre compagnie part du principe que nous ne sommes pas qu’UN, mais que c’est la somme de toutes nos différences et de tous nos contraires qui nous rend les plus touchants sur une scène de théâtre. Par une violence opposée à une douce intimité, le texte de David Storey répond totalement à l’humanité à laquelle nous voulons toucher. Est-ce que Home ne traduirait pas notre propre perte de repères et notre besoin de nous référer sens cesse à des choses que nous connaissons? Que se passe-t-il lorsque nous lâchons prise avec la réalité de notre «home-sweet-home»?


Home a ainsi pour objectif de pousser plus loin le travail que nous avons engagé tout au long de nos cinq premiers spectacles : rester fidèle au rire qui naît de nos contradictions et de nos disfonctionnements d’humanité, mais aussi rester fidèle à notre volonté de faire connaître l’écriture d’un auteur peu connu en Suisse et en Belgique.

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