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Histoires de famille

mise en scène Alexandra Badea

: Présentation

Qu'est ce qu'on doit dire au théâtre ? Quel doit être son rôle dans une société de plus en plus troublée ? Qu'attend le public d'une création contemporaine ? Comment trouver un langage vivant, contemporain et pertinent, qui corresponde à la sensibilité des spectateurs d'aujourd'hui ?
Telles étaient les questions que je me posais quand j'ai découvert la pièce de théâtre Histoires de famille écrite par Biljana Srbljanovic.
C'est ce texte qui m'a apporté les réponses aux questions que je me posais depuis si longtemps.


A 27 ans, en 1998, Biljana Srbljanovic écrivait cette pièce pour montrer les failles d'une société post-communiste, livrée à la guerre. Cinq ans ont passé. Et le sujet est toujours d'actualité. Que ce soit en Serbie, en Afghanistan, en Tchétchènie, en Irak ou en Israël, la guerre fait toujours la une de nos journaux ! Cependant, en n'étant pas limitée dans le temps et dans l'espace, la pièce transcende l'anecdotique.
En effet, le texte n'est pas seulement le miroir d'une société postcommuniste, ravagée par la guerre, il questionne également des thématiques récurrentes. Il met en exergue des problèmes dits « sensibles » de notre société contemporaine tels que « la violence familiale », « le nationalisme », « la soumission de la femme », « l'émigration », « la discrimination », « la drogue », « la liberté de pensée », « le civisme »?


La pièce, de par sa complexité et la nouveauté de sa forme et de son langage repousse les limites d'un théâtre engagé. C'est l'objet de la pièce qui impose l'esthétique et le discours qui prime sur la théâtralité. Et Biljana Srbljanovic trouve la solution idéale pour équilibrer ce parti pris.
Il ne s'agit pas seulement d'une pièce politique ou démonstrative. Non ! Son propos est bien plus subtil. Il s'agit d'un jeu ! Les personnages sont des enfants qui jouent aux adultes en imitant les gestes et les paroles du quotidien de leurs parents. Ils disent ce que les parents disent et pensent.
Ils croient que les « adultes » ont toujours raison.
Victimes de la guerre, de la discrimination et de la violence familiale, les enfants se lancent dans des jeux et des actions qui engendrent les mêmes délits et perversions.. Les victimes deviennent à leur tour les bourreaux.


L'ambition de notre création est de dépasser les limites du spectacle. En s'attachant à l'aspect social de la pièce, il s'agit d'ouvrir un débat nécessaire sur les sujets les plus délicats qui hantent notre actualité. Ce projet sera non seulement une invitation à la réflexion mais également une tribune. Et l'enjeu de notre travail est de réaliser un échange inter-culturel en formant une équipe internationale, confrontant ainsi des expériences, des cultures et des modes de pensée différents.
Travailler avec des comédiens français, roumains et polonais nous invitera aussi à partager des conceptions de jeu différentes susceptibles d'enrichir cette démarche, tout en étant en parfaite osmose avec la complexité du texte.
Les différences entre les styles de jeu et les expériences artistiques nous permettront ainsi de créer un nouveau langage nécessaire au traitement du texte.




Synopsis


Trois enfants, une fille et deux garçons, se rencontrent chaque jour sur une aire de jeux ravagée, en se livrant au même scénario. D'abord, les parents persécutent leur enfant et ensuite celui-ci les tue. La même histoire se répète chaque après-midi. Mais les conversations improvisées sont toujours très riches et diverses. Elles touchent aux sujets les plus divers de l'actualité : la violence familiale, la soumission de la femme, le racisme, l'émigration, la discrimination, la trahison, la drogue, la liberté de pensée, le civisme, la citoyenneté?


Quand une autre fille apparaît sur l'aire de jeux, les trois enfants ne l'acceptent pas. D'autant plus que lorsqu'ils s'aperçoivent qu'elle refuse obstinément de leur parler, ils la soupçonnent d'être étrangère et d' appartenir à une minorité contre laquelle on lutte. Elle est chassée, battue, puis obligée de jouer le jeu. Elle est contrainte de devenir le chien, au sens propre et figuré, dans leur terrible jeu !


Désormais la pièce se développe sur deux niveaux : le jeu proprement dit (la mère, le père, l'enfant et le chien) qui continue en suivant la même règle et l'action réelle des personnages qui amplifie cette épouvantable cruauté.


A la fin de la pièce, nous est dévoilé le mystère de la fille muette. En assistant pour la énième fois à la scène du meurtre qui s'impose dans leur jeu, un souvenir enterré éclate. Et Nadezda prend la parole : La grenade de papa était par-là. J'ai seulement lâché.




Mise en scène


En choisissant des enfants, Biljana Srbljanovic trouve le meilleur moyen de nous raconter cette histoire, de nous montrer les drames d'un pays déchiré par la guerre, la haine et la misère. Mais ce sont des enfants qui ont perdu leur innocence, leurs rêves et l'espoir. Ce sont des enfants qui ont vieilli trop vite. C'est ainsi que les jeux d' enfants deviennent des histoires de famille, des brèves de guerre et les chroniques d'un pays.


Malgré la cruauté des actes de ses personnages, l'auteur écrit le texte en prenant une certaine distance.Dans une première didascalie, elle note : « Dans cette pièce, ce sont des adultes qui jouent aux enfants qui à leur tour, jouent aux adultes. Cela n'a rien d'étonnant.
Il y aura suffisamment d'autres raisons de s'étonner » . C'est un des mes partis pris de mise en scène.
En suivant cette indication, j'explore un nouvel aspect immanent au texte. Celui des adultes (les acteurs) qui jouent aux enfants. Ce double jeu nous permet de poser au spectateur des questions nécessaires et de révéler des problèmes contemporains troublants.
Cette dualité se développera pendant le jeu, précisément dans les moments de violence qui seront traités de manière conventionnelle, non réaliste. Une mise en abîme pour accentuer l'effet de distance, car une telle situation ne peut être traitée qu'avec un certain recul pour mieux la comprendre, l'analyser et la commenter.


Rien ne sera caché ; pas de coulisses, pas d'effets trompeurs, pas d'illusions. Tout mécanisme sera à vue. Le jeu passera parfois de la scène à la salle, il s'étendra partout, en gardant l'énergie, la force créatrice et la souplesse d'un jeu d'enfant.
Les acteurs ne sont pas censés interpréter ces enfants d'une manière naturaliste en travestissant leur voix ou en faisant des grimaces. Il s'agit seulement d'assumer l'énergie de cet âge, de mener un jeu franc et orienté avec beaucoup de vitalité et de plaisir.
Par contre, lorsqu'ils deviennent adultes, ils dressent un portrait d'eux-mêmes, grotesque presque caricatural en s'appuyant sur des gestes, des actions et des intonations - clichés.


Pour chaque tableau, nous créerons une esthétique de jeu différente, pour varier le scénario, qui demeure dans les grandes lignes le même.


Dans le premier tableau, le spectateur ne s'apercevra pas qu'il s'agit d'enfants qui jouent aux adultes, justement pour le choquer . Il nous importe d'empêcher le spectateur de prendre de la distance afin qu'il n'oublie pas que ces faits sont malheureusement inspirés de la réalité.
Ensuite, nous alternerons un jeu grotesque avec un jeu mécanique et un jeu légèrement chorégraphié avec un jeu conventionnel. Le corps de l'acteur est au coeur de notre recherche et son traitement change par rapport à la situation de jeu des enfants.


Dans la relation hors-jeu, dans les vrais rapports entre les enfants, la violence présente dans le texte sera entrecoupée par de brefs instants d'approche amicale. Il est important de ne pas se limiter à présenter ces enfants comme des Monstres.
Il est nécessaire de découvrir la dimension humaine qui se dissimule derrière leur apparente cruauté. C'est pour cela que des gestes tendres et tempérés à travers lesquels ils tentent de se rapprocher et de découvrir leurs corps succéderont à des actions violentes. Ce choix esthétique permet ainsi un rythme soutenu indispensable à notre démarche.


En ce qui concerne l'image, elle sera structurée et construite précisément. Rien n'est aléatoire, rien n'est superflu. Des images fixes (les tableaux fixes, les arrêts sur image) succéderont à des images ralenties qui, elles-mêmes succéderont à des images dynamiques.




Scénographie


Le décor est une installation construite à partir d'assemblages d'objets trouvés. Chaque élément a une histoire à dire, l'histoire de la guerre, de la destruction et de la mort.
Nous sommes dans une aire de jeu improvisée par les enfants qui n'ont plus de parcs ou de jardins publics. Ils jouent parmi les reliques. C'est un endroit où on ramasse des objets trouvés, suite à des bombardements ou à des cambriolages de maisons abandonnées.


On trouve de tout : des jouets, des objets intimes, des parties de meubles, des casques et des masques à gaz. L'univers familial cohabite avec l'univers de la guerre.


Ces installations peuvent changer de forme pendant le spectacle.
Dans chaque tableau, il y aura un changement de volume pour créer l'impression que ces déchets s'accumulent au fur et à mesure du développement de la pièce.


Tous les objets qui vont servir le jeu sortiront de ces installations.
Rien n'est normal, tout est mutilé et transformé.




Costumes


Les costumes trahissent la taille des enfants. Ils sont vêtus d'une multitude de vêtements donnant ainsi l'impression qu'ils mettent tout ce qu'ils ont et tout ce qu'ils trouvent. Il y aura un mélange de vêtements usés et de vêtements neufs contrefaits de mauvais goût, qui viennent envahir les marchés.


Une distinction sera faite entre les quatre enfants par rapport à leur nationalité et à leur situation matérielle. Ainsi les deux frères porteront des vêtements plus neufs que les autres, ce qui soulignera leur différence.

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