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Radio Ploutsch

+ d'infos sur le texte de Hervé Blutsch
mise en scène Hervé Blutsch

: Un café avec Hervé Blutsch

Arrivé, parmi les premiers, à la table du petit déjeuner, j’ai la chance de tomber sur Hervé Blutsch, en train de lire L’Est-Républicain. Cela tombe bien. Je voulais justement lui poser quelques questions à propos de Radio Ploutsch, ce feuilleton théâtral dont nous sommes nombreux à attendre les épisodes avec unecertaineimpatience. « Cher ami! Vous êtes bien matinal...», lui dis-je. « Insomniaque ! », me répond-t-il, « réveillé à cinq heures et impossible de me rendormir ».


Moi : Excusez-moi, Hervé (je l’appelle ainsi, non par familiarité mais, au contraire, par respect pour son personnage), vous devez être fatigué, mais je ne peux m’empêcher, lorsque je regarde vos spectacles, de me dire : « Ce Blutsch est vraiment un orfèvre, il ciselle son affaire, mais où veut-il exactement en venir ?
À quoi bon consacrer tant d’énergie pour fabriquer, avec quel soin et avec quel talent, de fausses émissions de radio ? À quoi riment ces documentaires improbables sur la vie des chasseurs mussipontains et autres malvoyants meurthe-et-mosellans ?

Lui : Oh, je vois. Vous vous dites : « Tout ça pour ça! »?

Moi (un peu gêné, n’ayant pas l’intention de le blesser) : Euh...

Lui : Rassurez-vous, ce que vous dites ne me vexe pas.
Cela relève, chez moi, d’une vieille obsession. Le travail sur l’écriture radiophonique vient de loin. C’est quelque chose que je pratique depuis1997ou1998. Dans ce spectacle qui me tient à cœur,j’ai mis pas mal de choses que j’ai écrites il y a fort longtemps...

Moi : Mais, avez-vous jamais fait de la radio, je veux dire de la vraie radio ?

Lui : Oui, non. J’ai pratiqué l’écriture radiophonique. Surtout, la radio, je l’ai beaucoup écoutée. Elle m’accompagne depuis toujours. Chez moi, il y a des postes dans toutes les pièces.
En fait, curieusement, je n’ai jamais fait de véritables émissions, des maquettes seulement, des projets pour France Culture, qui n’ont pas forcément rencontré l’intérêt du programmateur. Par contre, j’ai fait beaucoup de montage audio. En 2008, une lecture entièrement accompagnée d’effets et d’ambiances sonores, Monsieur Paul n’est pas commun. Je lisais cette pièce, qui comprend 25 personnages, dans des appartements.
Ça marchait très bien. Jean Lambert-wild m’a ensuite proposé de faire L’Emprunt Edelweiss, à la Comédie de Caen.

Moi : Est-ce très différent d’écrire pour la radio ou d’écrire pour le théâtre ?

Lui : Dans le cas de Radio Ploutsch, on est vraiment au théâtre et, pourtant, ça n’aurait pas de sens de publier le texte.
On pourrait avoir l’impression qu’on pourrait fermer les yeux et écouter. Mais ça se joue sur la présence. J’en tiens compte dans l’écriture. Tout a été fait sur le plateau. Une mouture pour la radio devrait être pensée différemment.

Moi : Oui, on n’est pas très loin la performance dont parlait Joseph Danan, dans sa belle conférence d’hier, que malheureusement je n’ai pas pu aller entendre...

Lui : Si vous voulez. À la différence près, que dans Radio Ploutsch, tout est très précisément écrit.

Moi : Écrit, scénographié et mis en scène...

Lui : Oui, mais, justement, l’autre problème pour moi est de ne pas tomber dans la télé. C’est pour ça que je lis. À la radio, les gens lisent tout le temps. Si je m’adressais directement aux spectateurs, on changerait de code et on serait à la télé.
Je peux me permettre de ne pas lire quand je suis au téléphone avec les auditeurs.

Moi : Puis-je vous demander quelles sont vos sources d’inspiration ? Lui : Il y a surtout cette émission géniale, dans les années 1950, sur la BBC, The Goon show, avec, entre autres, Peter Sellers. C’est l’ancêtre des Monthy Python, qui m’inspirent aussi, évidemment.

Moi : Et Jacques Tati ?

Lui : Oui, bien sûr, Tati est inspirant de manière générale.

Mais je parlerais surtout d’un autre film, The Last Show de Robert Altman.

Moi : La radio de votre spectacle est un peu nostalgique, anachronique même, avec ses ampoules à filaments et le look rétro de son présentateur. Sans parler de la ringardise de vos interlocuteurs téléphoniques. Diriez-vous que votre travail relève de la satire sociale ?

Lui : Je ne me positionne jamais en moraliste de la société.

Non. J’aime bien que le décor soit comme ça. C’est une sorte de castelet pour marionnettes. Mon personnage fait ce qu’il fait pour gagner un peu de fric. Il accepte de tourner dans des endroits un peu minables. Le personnage est comme un clown. Il met son costume et ça y est, c’est lui.
Et, donc, pour reprendre votre première question, travailler pour une sorte de gratuité totale, c’est quelque chose que j’aime bien.

Moi : Merci, Monsieur Blutsch. À ce soir.

Propos recueillis par Olivier Goetz Temporairement contemporain n°3, 24 août 2014

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