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Accueil de « Grisélidis »

: Note d’intention

« Ecrire, c’est tuer, c’est échapper au suicide et à la folie J’écris pour me vomir telle qu’on m’a faite, j’écris pour me perpétuer telle qu’on m’a aimée et blessée, caressée et ressuscitée. Aucun acte n’est raisonnable s’il n’est pas suscité tout au fond de nous-mêmes par nos désirs cachés. Il faut leur donner la parole sous peine de mort ».( Grisélidis Réal)


«Mars, mon précédent spectacle, inspiré du Mars de Fritz Zorn, était un spectacle un peu froid, un peu asexué, comme son auteur. Grisélidis sera chaud, très sexué, mais il traitera finalement des mêmes sujets. La peur, la solitude, l’hypocrisie, la misère sexuelle et relationnelle, toutes ces prisons dans lesquelles Zorn est mort étouffé, Grisélidis les a combattues toutes sa vie, en envoyant balader tout confort, respectabilité, légalité, à peu près à l’âge où lui mourait. Et comme lui elle se définit comme « révolutionnaire ».
A vrai dire, je ne suis pas très intéressé par l’aspect « témoignage sur la prostitution», dans l’oeuvre de Grisélidis Réal, bien que je ne veuille évidemment pas passer à côté de son joyeux massacre d’idées reçues, et de pas mal de choses qu’elle nous apprend sur le sujet.. et même s’il y aura toujours chez une putain, « cette part d’indicible...cette chair à vif de l’âme que personne ne touche, qui donne à notre regard cet éclat de nuit dans le jour, et qui échappe aux projecteurs comme un trou noir dans les étoiles. »( G.R.)
(...) Je n’ai pas non plus, je l’avoue, l’esprit très militant, bien que je soutienne de tout coeur son combat, (...), et que je souhaite peut-être, changer un peu le regard des spectateurs sur ce métier.
(...)
Dans ses écrits, le style est lyrique, provocateur, enragé, démesuré ; nous travaillerons beaucoup sur la correspondance, qui me paraît restituer au plus près l’état d’esprit de Grisélidis, le souffle, l’énergie, qui la portait constamment. Je voudrais faire entendre son rire, qui résonne jusqu’au bout, même face à la maladie et à la mort, montrer ses talents de comédienne, sa faculté insensée de transformer le sordide en sublime, la puissance vitale de son imaginaire. Après tout, il n’y de vrai que « le délire, oui, le délire...tout le reste n’est qu’ombre consumée ».Je voudrais m’inspirer de sa liberté de « tzigane » dans l’âme, profonde, mystérieuse et même problématique pour nos réflexes de pensée un peu sédentaires...
Cette liberté est contagieuse. Elle donne envie de laisser parler ses « désirs cachés », au-delà de la politesse, du quotidien, du « ridicule ». Après tout, la frontière entre le ridicule et la grâce est ténue.
J’aime profondément les femmes, comme Grisélidis aimait profondément les hommes, sans illusion, mais avec respect, et une grande curiosité, voire fascination, pour ce qui restera toujours un mystère pour moi. J’aime le regard que Grisélidis pose sur les hommes, ce qu’elle en dit, elle qui les connaît par coeur, qui connaît leur violence, leurs besoins, leurs fêlures. Je n’avais jamais entendu une femme parler des hommes comme ça.
« Seule maîtresse à bord de mon corps, et la nuit tout entière est ma cuirasse cloutée d’or. » ( G.R.)
La grande malice de Grisélidis Réal, et ce qui fait l’intérêt pour moi de son regard sur le sujet, c’est qu’elle opère un renversement de valeurs : la prostitution telle qu’elle la conçoit, (la prostitution choisie, qui est celle dont nous parlerons désormais sauf indication contraire) est un acte révolutionnaire parce qu’au lieu d’être victime soumise et passive, la prostituée soigne, agit sur ses clients (patients ?).Elle se voit bien plus comme une infirmière, avec les sacrifices que cela comporte, parce que c’est un métier dur, épuisant, parfois très violent ; mais jamais comme une victime. Elle développe d’ailleurs d’impressionnantes stratégie de survie face à ses clients violents, ayant failli se faire tuer de nombreuses fois, les hommes venant souvent chez les prostituées pour « se venger de quelque chose, d’une blessure.»


Après mûre réflexion, j’ai décidé de ne travailler qu’avec des femmes, sur ce projet.
Le théâtre, comme le sexe, n’est-il pas une tentative d’échapper à la solitude, de s’ouvrir à l’inconnu, de tenter un dialogue, un partage, au delà des conventions et de la politesse ?
Voilà pourquoi je veux faire avec elles un spectacle bordélique, généreux, sensuel, utopique, « révolutionnaire », à l’image de Grisélidis, même s’il parle peut-être plus d’une révolution intérieure que politique. Et même, pourquoi pas, si cette alchimie fonctionne, un tout petit peu plus qu’un spectacle.
Une fête ?...

Denis Laujol

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