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Accueil de « Gombrowiczshow »

: Nous pensons comme-ci, nous faisons comme-ça.

Et cette fois-ci on laisse entrer Gombro-Le-Lâche-Magnifique dans la partie.
Nous avons la réputation d’avoir une vision des choses. Mais ce qui nous anime, c’est l’inspiration et l’action; et ajouté à cela, l’élément de base tout à la fois déplorable et sophistiqué : nous-mêmes.
On se contrefout de l’expérimental, du rock, du pluridisciplinaire, du pseudonouveau, de la suprématie de la bêtise décomplexée, du théâtre moderne “à sa mémère”.
Faire de la parodie n’est pas une obligation. Par contre, en tirer parti exige que les choses vous habitent fondamentalement. Sans parodie pas de tragédie, sans tragédie pas de théâtre…
Au théâtre, compte uniquement ce qui crée des faits et liquide une anecdote. L’écriture est donc celle de la scène, pas celle des textes.
Gombrowiczshow se présente comme un essai, une chronique, une vaste allusion. Bref, une revue ayant pour étrange mission de distraire ses semblables.
Et en l’occurrence, qui en dehors de Gombrowicz serait le plus à même d’être le Monsieur Loyal de la circonstance. Celui qui se fait le pivot, le Senor Théorèmo, le rehausseur d’égo; celui qui, mine de rien, propage le déluge.


On ne s’attaque pas à Gombrowicz par plaisir :


Le rapport à la tradition, l’idée de ne pas manger les plats les uns après les autres mais tous en même temps, la laideur comme question plutôt que la beauté comme solution, la lucidité, la méfiance, la tension dramatique, le panache et l’artificiel, l’obsession, la cucul-isation, la serviette éponge, la figure folklorique, la matière psychique, l’artificiel devant le naturel, la grâce de l’hermétisme, le dandysme marécageux, la lourdeur de l’érudition, l’appréhension d’être surpris, de ne pas supporter le regard de l’autre, le refoulé critique qui fabrique du désastre constructif, la profusion des masques, les situations saugrenues, la mauvaise foi, le composte mêlant des complexes de supériorité et d’infériorité simultanés, la grimace du sublime contre la grimace du vulgaire, la participation du corps tout entier à la vie imaginative…


En fait, on convoque Gombrowicz sous toutes les coutures.
Et vu l’humilité qui le caractérise, il n’est pas du genre à se retourner dans sa tombe.


D’abord, un rideau monumental orné d’un blason qui marque les indices de l’oeuvre gombrowiczienne : la tarte aux pommes, emblème du harcèlement culturel, surplombée d’une tête de mort — comme une fève émergée de la galette — incarnation de la forme ultime. Tout autour, quelques éperons.


Le rideau s’ouvre. Un spectateur se penche sur son voisin : “Putain, avec un gros bout de montagne comme ça, c’est un décor qui a dû leur coûter bonbon…”
Cette montagne est le bout du massif des Carpathes qui vient mourir en Pologne. La vue est bizarrement dégagée à jardin.
Six comédiens en costumes d’époques, accompagnés d’un orchestre, s’agglutinent les uns aux autres. Ils se présentent, trépignent, défilent, font les malins. Les rituels familiaux et la tyrannie de la descendance sont décortiqués sans concession. Le problème de l’atavisme se pose d’emblée au rythme d’une ambiance “jazz-swing” apparemment décontractée; et ponctuée par des “Bonjour Witold !” lancés sur un ton Vieille-France à faire froid dans le dos


La question est d’être à la hauteur. Mais de quoi, exactement ?
D’ Opérette aux Envoutés Envoutés, en passant par les entretiens avec De Roux, il ne s’agit pas de reprendre ni d’inspecter Gombrowicz ; mais bien de récupérer chez lui ce qui semble nous appartenir, pour nous en débarrasser.
Entre les mises en chanson, les crises de douleurs collectives, et les courses en sac en guise de reconstitutions épiques, les Envoutés hantent tous les rôles : ils sont autant d’exemples grotesques à distancer, de personnages historiques à destituer, de romans personnels bizarrement tragiques à perpétuellement réarranger.
On assiste à une sorte de Foire à la Matière Psychique qui prend l’apparence d’une revue raisonnée.
Avec toute cette chaleur humaine, ces cassures de rythme, ces ricanements racistes, et ces contre-points intimes entremêlés de glauque et de pudeur, on est plutôt face à une revue polonaise; revue dont les failles obscures cachent le pathos et le drame le plus aride.


Alors… L’amusement ténébreux pour se méfier de tout ce qui arrive “d’en haut” ?
On est embusqué dans l’antagonisme artistique défendu par Gombrowicz. Un antagonisme qui réfute la nécessité d’adéquation convenable entre la forme et le contenu.
Mais bon… On ne va pas regarder à la dépense d’énergies contradictoires et bizarrement enlevées : c’est quand même la fête à Witold ; et le quarantième anniversaire de sa mort.
Rideau.

Sophie Perez et Xavier Boussiron

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