Frères sorcières est une odyssée sombre et magnifique, le périple d’un immortel condamné à traverser les siècles et les époques en se glissant d’un corps à un autre. En suivant ses pas, nous nous enfonçons inexorablement dans une errance, aux profondeurs insondables.

Naviguant dans les méandres d’une boucle infinie, phrase sans fin ni point, Frères Sorcières ressuscite les mots en un souffle poétique qui résonne comme un appel. Revêtus de chair et d’os, ils incarnent la saisissante grammaire d’Antoine Volodine, comme habitée par le filtre d’une sorcellerie incantatoire. Entre bercement et fulgurance, Frères Sorcières nous plonge dans l’épaisseur d’une langue à l’inquiétante étrangeté. Labyrinthe fictionnel, le dispositif multiplie les boîtes, façon poupées gigognes donnant à l’impressionnant théâtre optique du collectif Haut et Court le caractère étrange des cérémonies vaudoues, des trains fantômes de fêtes foraines, entre numéros de magie, théâtre de marionnettes et science-fiction… Dans cette rhapsodie scénique et romanesque, les personnages apparaissent, disparaissent, se séparent ou se rejoignent, se suivent, se poursuivent et se vengent. Avec Frères Sorcières, Joris Mathieu érige une quatrième dimension, une fantastique épopée, un théâtre engouffré dans la nuit habitée du lointain.

Dans cette œuvre inclassable, les premiers mots sont aussi les derniers et forment une phrase sans fin ni point. Portée sur scène par un impressionnant théâtre optique, elle illustre sept mouvements de vie, sept transmigrations d’un corps vers un autre, marquées par la naissance et la dislocation de l’identité d’un même être. Progressivement, les voix s’adaptent peu à peu à une nouvelle enveloppe charnelle. Frères sorcières nous rappelle sans cesse que l’histoire ne se répète jamais deux fois.