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Frankenstein

+ d'infos sur le texte de Fabrice Melquiot
mise en scène Paul Desveaux

: Note d'intention

Existe-t-il véritablement des sujets pour les enfants et d’autres pour les adultes ? J’avoue ne pas pouvoir répondre à cette question de manière catégorique. Mais si j’interroge ma mémoire sur les films qui ont marqué ma prime jeunesse — j’habitais une petite ville de province française où le théâtre est arrivé bien après le cinéma — je ne suis pas sûr qu’ils correspondent à l’idée qu’on se fait d’un imaginaire enfantin. Le seul dessin animé dont je me souvienne, c’est Merlin l’Enchanteur de Walt Disney, j’avais six ans. Le reste est parti aux oubliettes. Je me rappelle surtout les westerns, entre autres La rivière sans retour, avec Robert Mitchum. Je me souviens avoir filouté et vu — peut-être à l’âge de dix ans — Le Tambour de Volker Schlöndorff.
Quant à mon premier souvenir de théâtre, c’est Les Misérables, et la charette qui écrase ce pauvre homme sauvé par Jean Valjean. Ma mémoire est marquée par des histoires dont les thèmes n’ont pas été édulcorés : la tristesse du cowboy, la blessure, la mort parfois. Je ne dis pas qu’il faudrait montrer aux enfants l’oeuvre complète de Schlöndorff.
J’étais peut-être un peu jeune pour ce genre de films. Mais c’était bien plus intéressant que les mièvres fictions censées m’être destinées. Quand Fabrice Melquiot m’a proposé de travailler sur son adaptation de Frankenstein, j’ai relu immédiatement l’oeuvre de Mary Shelley. J’y ai retrouvé les aventures passionnantes, effrayantes, qui ont marqué mon enfance. Dans l’imaginaire si particulier du conte. Le conte pose des questions essentielles, sous couvert d’une forme détachée du réalisme, créant par là une distance avec le lecteur.


Quand nous avons commencé à réfléchir à Frankenstein, nous nous sommes demandé comment retrouver, sur un plateau de théâtre, cette distance inhérente au conte. Fabrice Melquiot a proposé que nous travaillions avec des marionnettes, en particulier pour Beurk, la créature de Victor Frankenstein. J’ai immédiatement souscrit à cette proposition et rencontré Einat Landais qui imagine et construit des marionnettes magnifiques. Mon second souci était de donner à voir la naissance de cette créature sur le plateau. Je voulais que Beurk s’anime sous le regard du public, comme le raconte Mary Shellley.
J’ai demandé à Einat de pouvoir assembler sur scène cette grande marionnette de deux mètres dix. Quant à l’univers sonore, je souhaitais que l’on ne transcrive pas de manière réaliste les éléments naturels du roman, tels que la mer, la tempête, ou les mouvements intérieurs des personnages. Eléments qui ont une force narrative dans l’oeuvre lyrique de Shelley et que Fabrice Melquiot a repris dans son adaptation. Simon Aeschimann, le compositeur, a travaillé à une partition pour orchestre, entre Stravinsky et Dany Elfman, où la puissance des instruments retranscrirait la force des bouleversements vécus par les protagonistes. La forme dramatique choisie par Fabrice Melquiot permet de maintenir la distance nécessaire entre la fable et le spectateur, par l’entremise de Marie Shelley, devenue personnage. Tandis que Beurk prend forme sous le regard du public, c’est elle qui construit la narration. Frankenstein est un univers qui s’ouvre et se referme comme un livre, qui déploie sa fable et ses chansons avant de retourner au domaine de l’imaginaire. Il y a quelque chose de la boîte à musique ou du coffre à souvenirs gardant à tout jamais les histoires du passé, parfois drôles, parfois inquiétantes, dans le grenier de nos fables collectives.

Paul Desveaux

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