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Victor F

+ d'infos sur l'adaptation de Laurent Gutmann ,
mise en scène Laurent Gutmann

: Présentation

On connaît tous plus ou moins l’histoire de Frankenstein, le roman de Mary Shelley, publié en 1818 alors qu’elle n’avait que 20 ans : un génial étudiant en science, Victor Frankenstein, parvient à créer de toutes pièces, en dehors de toute fécondation, un être humain vivant, être au physique monstrueux qui se fait meurtrier dès lors qu’il comprend que sa différence l’empêchera toujours de se gagner le cœur des hommes et avant tout celui de son créateur.


De par ses nombreuses adaptations, essentiellement au cinéma, Frankenstein est aujourd’hui devenu dans le langage courant synonyme de monstre (alors qu’on l’a vu, il s’agit en fait du nom de son créateur), et renvoie confusément à un monde de noirceurs et d’horreurs, à une esthétique gothique parfois kitsch.


Il ne s’agira pas ici de nous inscrire dans cette veine. Le roman de Mary Shelley commence comme un roman d’apprentissage. L’enfance de Victor y tient une place importante, au sein d’une famille aimante dans le cadre enchanteur de bords du lac Léman. Il est chassé hors de ce paradis par la mort brutale de sa mère alors qu’il est encore adolescent. Derrière le projet démiurgique de créer la vie à partir de la matière inerte, il y a d’abord pour Victor celui de redonner la vie aux morts.


Victor Frankenstein est un fils de son temps, un homme des Lumières qui pense que la science peut et doit libérer l’homme de ses chagrins et de ses superstitions. En entreprenant ses recherches, il se met au service de l’humanité : « La vie et la mort me semble des limites idéales qu’il me faut franchir, avant de déverser sur notre monde enténébré un torrent de lumière. »


Cette foi en la science et le droit que Frankenstein se reconnaît à créer la vie ex nihilo interrogent la défiance qui est la nôtre à l’égard de la recherche scientifique et de sa prétention à assurer le bien de l’humanité. Les malheurs qui frappent Frankenstein ne seraient-ils pas le châtiment d’une faute : celle de s’être pris pour un Dieu, Créateur plutôt que créature ?


Ce discours empreint de religiosité nous est familier, il hante tous les débats contemporains sur la manipulation du vivant, en particulier celui sur les cellules souches embryonnaires. Mais la faute de Frankenstein est-elle bien celle-là ? Sa créature monstrueuse ne lui reproche pas d’être née, elle lui reproche de ne pas le reconnaître comme son fils, de ne pas assumer ses responsabilités de père. La faute, si faute il y a, serait donc réparable. Et pourtant Victor ne s’y résout pas, au prix de la mort de ses proches. Pourquoi ? Qu’y a-t-il dans cette reconnaissance de si insupportable ? Voilà me semble-t-il la vraie question, celle en tout cas que le spectacle essayera de creuser.


Faire du théâtre à partir de ce roman, c’est se confronter à la question de la représentation de la créature, du monstre. Nous avons tous en tête de nombreuses images, dont celle de Boris Karloff dans le film de 1931. Nous chercherons ailleurs, dans des formes que j’espère inédites de monstruosité, avec le soucis de se garder du kitsch, du grand guignolesque. Quelle forme donner à la créature qui provoque chez le spectateur à la fois l’empathie et la répulsion ? Je pense par exemple à l’enfant monstrueux de Eraserhead, le premier film de David lynch.


Au centre du livre de Mary Shelley, sublime et menaçante, il y a aussi la nature : les Alpes, le lac Léman, la vallée du Rhin, l’Ecosse, la banquise… Autant de paysages au regard desquels les protagonistes de l’histoire semblent bien petits, jouets minuscules ballottés par des forces qui les dépassent.

Laurent Gutmann

mars 2015

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