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Franito

Patrice Thibaud ( Mise en scène ) , Jean-Marc Bihour ( Mise en scène )


: Du burlesque au flamenco

« Dans Cocorico, les tableaux burlesques, les scènes de rires et les scènes de tendresse s’enchaînaient à un rythme effréné. Avec Jungles, c’était l’idée d’un conte sauvage et poétique sur la possibilité de vivre ensemble lorsque les instincts animaliers prennent le pas sur les civilités. Il y eut ensuite Fair-Play, un élégant spectacle sur le sport.


Ces spectacles qui ont tourné ou qui tournent en Europe et dans le monde (Cocorico compte à ce jour plus de 600 représentations, Fair-Play sera à l’affiche du Théâtre du Rond-Point en juin 2016) ont ren- contré et rencontrent encore un grand succès public et critique. Ils attestent du talent et de l’habileté de Patrice Thibaud qui a l’art de s’associer avec des compagnons de jeu eux-mêmes virtuoses dans leurs domaines, comme Philippe Leygnac, pour parvenir à renouveler l’art du burlesque à chacun de ses spectacles.


Patrice Thibaud est autodidacte. Il a maintenant une longue pratique de théâtre et de cinéma derrière lui. Il investit dans ses spectacles et dans ses films ce qui relève d’un travail quotidien : l’observation des gestes, des attitudes, des «parlers» de ses proches et d’anonymes croisés au hasard des rues. Il emma- gasine ainsi des images et des sons qu’il transforme pour qu’ils deviennent de la matière de théâtre.


Franito est son quatrième spectacle. Il s’associe au danseur Fran Espinosa, rencontré dans la troupe de José Montalvo, qui lui présente le guitariste Cédric Diot. Face à eux, Jean-Marc Bihour, co-metteur en scène de Fair-Play. L’équipe constituée, une mince trame posée – il s’agira de montrer des scènes de vie d’une mama espagnole et de son fils, prodige de flamenco -, les répétitions commencent. L’intégralité du spectacle est ainsi composée en jeu, avec de rapides passages à table pour discuter des séquences, et des retours au plateau pour vérifier si l’ensemble tient. Ce sera aux spectateur(trice)s de dire si les intuitions sont justes.


Comment associer le flamenco au burlesque et le burlesque au flamenco sans corrompre la prestance du premier, art prestigieux inscrit depuis 2010 au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO, ni affaiblir la puissance comique du burlesque ? Même si les terrains sur lesquels ces deux pratiques peuvent se recouper semblent, a priori, peu nombreux, Franito prouve que le rapprochement, voire la fusion, est possible.


Patrice Thibaud joue une mama espagnole, personnage qu’il incarne d’un bout à l’autre du spectacle, sans jamais se tenir en surplomb, même dans les moments où le corps échappe à son propriétaire pour se transformer en poule ou en canari. Fran Espinosa est Franito, un garçon sage et docile, dont les pieds sont incapables de rester en place. Il regarde sa mère s’occuper de lui et apprend la vie à travers elle. Leur relation est intense bien que chaotique et parfois franchement étrange.


Franito est un spectacle qui s’écoute autant qu’il se regarde. Le bruit des pas sur le sol, les palmas de flamenco, les claquements de doigts et les notes de guitare se mêlent aux exclamations, aux cris et aux onomatopées du burlesque.


Les envolées dansées et chantées de Franito contrastent avec la lourdeur du corps fatigué de Mama, pourtant vif lorsqu’elle s’élance pour bisouiller son petit. Fran Espinosa et Patrice Thi- baud s’évertuent à rendre les objets et les gestes du quotidien poétiques.


La passoire se change en casque, le cajon devient une tête de cheval et la chaise se transforme en taureau. Tous deux sont soutenus par une scé- nographie qui fait basculer l’espace d’une petite cuisine andalouse aux plus grandes scènes de théâtre du monde. Le travail plastique est sen- sible avec une grande attention portée aux lignes, aux pleins et aux vides.


Dans Franito, se croisent, mis sur un même plan, Pablo Picasso, Fernando Botero, Louis De Funès, Benny Hill, El Güito ou encore Concha Piquer.


On pourra se demander pourquoi Patrice Thibaud s’évertue sans cesse à aller sur des terrains qui lui sont moins connus, alors qu’il pourrait s’appuyer sur des schémas éprouvés et dupliquer des gags qui fonctionnent. Il fait partie de ces artistes qui refusent de se reposer sur leurs acquis et de s’enfermer dans des recettes. Et c’est tant mieux. »

Marie Duret-Pujol

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