theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Forêts »

Forêts

+ d'infos sur le texte de Wajdi Mouawad
mise en scène Wajdi Mouawad

: Note d'intention

PANORAMIQUE


Forêts est la troisième partie d’un quatuor dont Littoral, créé en 1997 et Incendies créé en 2003, sont les deux premiers opus. Sans être une suite narrative, ces histoires, puisqu’il s’agit d’histoires avant tout, abordent, de manière différente et j’ose l’espérer de manière à chaque fois plus complexe et plus précise, la question de l’héritage. Celui dont on hérite et celui que l’on transmet à notre tour. Mais là, il ne s’agit pas d’un héritage conscient, il s’agit de tout ce que l’on nous transmet dans le silence, dans l’ignorance et qui pourtant déchire notre existence et broie notre destin. Il s’agit de cet héritage sourd que des générations et des générations peuvent se transmettre jusqu’à ne plus avoir le choix, par trop de douleur, que de briser le tamis qui nous voile la vérité, pour faire en sorte que cet héritage silencieux, devienne un héritage bruyant, évident, cru, étalé là, sous la lumière.


ECRITURE


Il est important de comprendre que, pour moi, l’écriture de Forêts, tout comme celle de Littoral et Incendies, est une écriture qui suit les répétitions.
En d’autres termes, il n’y a pas de texte dialogué au début des répétitions, il y a un synopsis assez précis d’où surgissent les personnages, les scènes et les dialogues, en les raccordant aux envies, désirs et questionnements qui animent les comédiens au moment où nous sommes ensemble. De ces désirs naissent des idées fondamentales pour l’histoire, que je n’aurai pas pu trouver seul. Voilà pourquoi mon temps de répétition est si étalé dans le temps puisque cette méthode de travail se rapproche davantage du travail d’un chorégraphe qui doit dans un premier temps créer son langage chorégraphique pour, par la suite, créer le spectacle. Or, tout comme il serait impossible au chorégraphe de créer son langage chorégraphique sans les danseurs, il m’est impossible de créer le langage de Forêts sans une rencontre quotidienne avec les comédiens du spectacle. Cette méthode doit être considérée non seulement comme capitale, mais condition sine qua non à la possibilité de créer ce spectacle.


LE POISSON-SOI


Il existe un étrange dialogue entre l’écrivain et l’écriture. Un dialogue se situant dans un autre espace-temps qui paraît lorsque l’imagination largue les amarres pour aller vers la tempête et se plonger dans le chaos des vagues immenses des choses anciennes où se trouve la beauté nouvelle qu’il faut pêcher.


Cette beauté, je lui donne le nom de poisson-soi.


Ce dialogue mystérieux a comme principe de base, de contrôler la volonté et de l’empêcher de décider consciemment des éléments qui fomenteront l’histoire à venir. Ce dialogue entre l’écriture et l’écrivain est une plongée. Une plongée en apnée. Une plongée où l’écrivain tente d’aller au plus profond de lui, là où la pression est énorme, pour deviner, dans l’obscurité de l’inconscient, ce qui gît là, ce poisson-soi, qui est l’objet de beauté. Une fois l’animal trouvé, réellement trouvé, le dialogue consiste alors pour l’écrivain et l’écriture, à laisser venir et croire que c’est une nature métaphysique qui est là, puisque entre eux, il sera question de la mort, de la douleur et de l’amour. Puis, par une entreprise chirurgicale dont les mots sont les multiples et savants scalpels, l’écrivain a pour mission de faire émerger ce poisson-soi à la surface houleuse de l’océan. Et de là, le ramener, le temps d’un instant, vers la rive. Le temps d’une marée basse.


La marée basse où est échoué pour un temps le poisson-soi pêché par l’écrivain, c’est cela, pour moi, le théâtre lorsque ce théâtre est le fruit de l’écriture et la mise en scène d’un seul individu. Le temps que dure la marée basse, c’est ça la représentation, puisque le poisson-soi est là, sur le sable fin, respirant à peine, espérant le retour de l’eau. Les spectateurs, eux, regardent et observent cette méduse qui semble si fragile. Mais aussi, pareille aux méduses, on n’ose pas y toucher, car le poisson-soi est porteur de poison. Puis, la marée remonte et emporte avec elle cet animal dévoilé. La nuit tombe. Le spectacle est terminé.

Wajdi Mouawad

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.