Le projet Filaments est l’aboutissement d’un long travail de recherche que je mène, en lien avec d’autres artistes, depuis plus de cinq ans. Ce travail a débuté par une résidence de la Compagnie IKB en 2003 à l’Hôpital Gériatrique des Charpennes de Villeurbanne. Après plusieurs mois d’entretiens avec les personnes âgées en long séjour, j’ai co-écrit et mis en scène une première étape de création en 2005, Un Siècle de Mémoires / Vision 1 (aux Rencontres de la Villette à Créteil et à l’Hôtel Dieu à Lyon). Je souhaitais témoigner des conditions de vie dans ce lieu, mais aussi comprendre les mécanismes de la mémoire, la possibilité humaine d’échapper par la réminiscence à la violence du présent. La deuxième étape de création du spectacle, Un Siècle de Mémoires / Vision 2, a été créé en 2007 (à la Scène Régionale Espace Albert Camus, reprise au CCN / Cie Maguy Marin).

Après cette aventure artistique forte et la continuité d’un travail d’échange avec des personnes âgées en 2007 à Lyon sur le projet De Mémoires en Rêves, j’ai ressenti la nécessité d’ouvrir le champs de ma réflexion. Cette proximité avec la grande vieillesse et la fin de vie a provoqué en moi une avalanche de questionnements que je ne pensais pas me poser à ce moment de mon existence. Le projet Filaments est le fruit de cette maturation.

Filaments a pour ambition d’être ce fil ténu qui pourrait éclairer des moments de rencontres rares entre les générations : les personnes âgées et les adolescents. Ces moments peuvent nous apprendre beaucoup sur ce que nous sommes au moment donné de notre vie.

Pour ma part, je suis sortie il y a quelques années de l’adolescence et je vais, comme chacun, sur le chemin de la vieillesse. À 20 ans, j’aurais voulu que le temps s’arrête. J’avais conscience que peu à peu les années allaient passer sur moi et effacer les traces d’un passé récent. Mais à ce moment-là, contrairement à aujourd’hui, je ne réalisais pas encore que la brièveté de ma vie ne me permettrait pas d’avoir le temps de vivre tout ce que je désirerais vivre.

Sans vouloir être autobiographique car le sujet est universel, il a fallu, cependant, un déclic d’importance, le décès de mon grand-père, pour que l’urgence de Filaments s’impose. Se sentir hors du temps, loin de la vie active, effrénée, et accompagner cet homme, rempli d’histoires et de souvenirs vers sa fin, m’a donné le sentiment de vivre un moment important, essentiel dans ma vie. Ma rencontre avec de jeunes adolescents est arrivée en même temps… Et le désir de m’exprimer à travers plusieurs cycles de travail est devenu nécessaire.