theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Figaro divorce »

Figaro divorce

mise en scène Christophe Rauck

: Pour rêver les personnages

Des supports d'inspiration pour rêver les personnages

Chacun des visuels présentés provient des sources récoltées par la scénographe et la costumière du spectacle pour travailler sur les personnages de la pièce.

Pour chaque document, demander aux élèves d’analyser l’image et d’exposer les pistes possibles pour la représentation des personnages.


Suzanne


Support d’inspiration pour le personnage de Suzanne, le tableau d’Edward Hopper, Automat, représente une femme seule assise à la table d’un restaurant. Le tableau délivre une impression de solitude et de mélancolie. Cette femme, éclairée par la lumière électrique du lieu, baisse la tête et semble absorbée dans ses pensées, lointaine. Il n’y a pas d’autre présence humaine que ce personnage dans le cadre puisqu’il se trouve dans un restaurant automatique.
La femme a gardé son manteau, son chapeau et l’un de ses gants, comme si elle n’était que de passage et que le lieu n’était pas assez chauffé malgré le petit radiateur présent à sa droite. Elle semble donc avoir besoin de trouver un peu de chaleur devant un café, sous les néons d’un restaurant chassant l’obscurité de la nuit.
La chaise vide face à elle accentue l’absence de l’autre et renforce l’isolement du personnage. Les lampes du café se reflètent dans la vitre, ce qui crée un effet d’optique : on perçoit l’extérieur du café comme un long tunnel obscur, un lieu sombre envahi par la nuit.
Les tons verts, jaunes et bruns du tableau rappellent les décors modernes de la ville et jouent sur le contraste entre une atmosphère froide et quelques zones plus chaleureuses.


Ce tableau fait penser au personnage de Suzanne lorsqu’elle a quitté Figaro après l’acte II et qu’elle se retrouve seule face à son destin. Elle ferait avec l’absence de l’autre mais semblerait elle-même ailleurs, là sans être là, agissant comme une automate. On pense aussi au cabaret de Chérubin, ce lieu de la nuit pour les émigrés, pour tous les exilés livrés à un avenir incertain qui cherchent en vain un peu de réconfort.


Figaro


Support d’inspiration pour le personnage de Figaro, la photographie de Jean-Pierre Léaud le représente dans son personnage d’Antoine Doinel, les bras croisés, regardant fixement devant lui.
Il se trouve assis devant une petite bibliothèque. L’image est une mise en abyme avec la reproduction à l’infini de ce portrait, formant une longue diagonale vers la droite.
Être de fiction créé par Truffaut pour sa suite de films qui commence avec Les Quatre Cent Coups, Antoine Doinel apparaît ici comme un personnage complexe, aux multiples facettes. Cette photographie nous met face à un homme dont le visage impassible semble paradoxalement abriter une psyché aux profondeurs infinies.


Si l’on pense à Figaro en regardant cette image, ce personnage qui passe volontiers d’un rôle à l’autre et qui a fait tant de métiers – comme Antoine Doinel –, on se trouve face à la complexité d’un personnage avec ses multiples visages, ses différentes vies aussi. Figaro ne se réinvente-t-il pas sans cesse ? De serviteur à coiffeur-barbier, il devient intendant du château. Comment figer l’image de ce personnage qui, chez Horváth, ne cesse d’évoluer et de se montrer sous un jour inattendu.



Finalement, ces deux supports présentent une opposition entre la femme et l’homme : l’homme dégage une impression de puissance et de confiance en soi qui tranche avec la faiblesse de la femme esseulée. Celle-ci apparait comme la grande perdante de la séparation. Comme si elle ne pouvait se réaliser que dans son couple alors que l’homme avait tout le reste (profession, relations sociales, rôle politique).


C’est bien ce que met en évidence Horváth : alors que Figaro ne pense qu’à sa réussite professionnelle, Suzanne cherche le bonheur dans la vie conjugale et la création d’une véritable famille. Chez Horváth, la femme est victime de la tyrannie des hommes, et elle est bien seule dans son combat pour que l’humanisme triomphe sur l’individualisme.


La Sage-femme


Support d’inspiration pour le personnage de la Sage-femme, la photographie de Robert Doisneau, Madame Mancel, voyante, saisit ce qui semble être une séance d’occultisme.


Une vieille femme est assise face à nous, les mains ouvertes et le regard vers un hors-champ situé en hauteur qui renvoie sans doute aux visions de cette femme. La pièce dans laquelle elle se trouve est son milieu : on y perçoit des portraits et des tableaux aux murs, un piano encombré par de nombreux objets, et puis un coin de table où se trouve une feuille de papier sans doute utile à la séance. On imagine aisément que la femme est en train d’accueillir l’une de ses visions à ce moment précis du cliché.


On sait qu’Horváth avait un goût pour les spirites et le surnaturel en général. Cette vieille femme qui semble bienveillante et connaître des vérités que les autres ignorent pourrait donc être une inspiration sous forme de clin d’œil pour représenter celle qui parle d’astrologie et d’avenir à Suzanne.



Aurélie Boulanger, professeure de lettres et de théâtre
Extrait du dossier Pièce (dé)montée n° 223 - mars 216

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.