: A propos de la pièce
N’est-ce pas tenter le destin dit le père que d’appeler sa fille Dolorès (Lori en est
le diminutif.) qui signifie chagrin ; car dit-il « les noms ont du pouvoir »
La pièce questionne sur ce qui constitue un être, sur la possibilité de normalité
quand on a grandi dans une ville sous surveillance avec « le bruit des hélicoptères
au moment de s’endormir »; quelle pression exerce sur nos personnalités
l’environnement, le pays où l’on grandit.
Quelles tensions, quelles angoisses se dessinent dans la tête des enfants et des
adolescents quand ils regardent et écoutent les informations sur le monde ?
Lori porte aussi le poids du mot d’ordre de la société occidentale d’aujourd’hui :
« devoir être heureux ! » .
LORI (…) je suis désolée pour toi que les choses aient
été si dures — mais ça ne me rend pas plus
heureuse pour autant.
PHYLLIS Tu es beaucoup plus heureuse que je ne l'étais
et ne t’avise pas de me dire que non.
A travers le comportement des parents face au désespoir de leur fille on imagine
des fragilités et des manques qu’elle a du accumuler dans son enfance. On peut
aussi se poser la question pour les deux soeurs Clover et Poppy, comment leurs
parents les préparent à affronter le monde.
Lori porte les espoirs et les rêves de ses parents. Elle possède des libertés et des
possibilités d’avenir qui peuvent faire d’elle la femme émancipée que sa mère
aurait rêvé d’être… Elle doit réussir.
Beaucoup de pistes peuvent expliquer le geste de Lori mais la pièce ne fait que suggérer, elle ne donne aucune explication.
Et peut être que son acte n’aura été qu’une étape douloureuse pour quitter
définitivement le monde de l’enfance. (Ce qu’elle fait d’ailleurs en débarrassant sa
chambre de tous ses souvenirs d’enfant.)
Il y a dans « Leaves » le portrait sensible et drôle de quatre personnes dont le
monde vient de chavirer.
La mère désemparée cherche des raisons rationnelles mais se retrouve au supermarché en chaussons…
PHYLLIS Je veux dire on n'est jamais que des gens normaux et gentils,
vivant dans une gentille petite maison normale. Et elle a eu une
enfance heureuse. Et qu'aucun de ces médecins ou infirmières
anglais ose me dire que non ! Quelle que soit la raison, ce n'était
pas nous ! Parce qu'on a fait de notre mieux. (…) On tenait le pire en
échec du mieux qu’on pouvait — chantait des chansons quand elles
n'arrivaient pas à dormir à cause des hélicoptères — on les a
protégées de Belfast et encouragées à viser au-delà de Belfast —
Elle s'interrompt brusquement.
Peux-tu me dire, David, ce qu’on a fait ou négligé de faire ?
DAVID On est d’où on vient, Phyllis, et pas moyen d'échapper à ça.
PHYLLIS Quoi ?
C'est censé vouloir dire quoi ?
Qu’est-ce que tu veux dire par là ?
Le père se plonge dans son travail étymologique, « refuse d’être pris ainsi en otage » par la situation et chante quand Lori lui demande…
Poppy 12 ans essaye maladroitement de tout bien faire, rêve d’être grande mais se remet à lire Peter Pan…
Et la brutalité, la colère de Clover, elle-même en pleine crise d’adolescence…
CLOVER (à lori) Oh, pardon.
J’avais oublié une seconde que c'était toi la pauvre petite.
J’avais oublié : c'est toi qu’as avalé tout un flacon de foutus
somnifères et qu’as failli mourir et j’avais oublié qu'à cause de
ça fallait qu'on soit gentilles avec toi
POPPY / Clover !
CLOVER Tu sais quoi, Lori ? Tu n'aurais pas fait ce que t’as fait si t’avais
réfléchi trente secondes et si tu t'étais souvenue de nous tous.
LEAVES est le récit initiatique et douloureux d’une jeune fille en train de quitter l’enfance. C’est une description subtile de l’adolescence à trois âges différents.
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