Pour sa dernière création, entrée cette saison au répertoire du théâtre des Kammerspiele de Munich, Philippe Quesne a réuni trois acteurs de la troupe permanente munichoise et deux interprètes fidèles de son travail. Aux frontières de l’humain et de la marionnette, du paysan et de l’épouvantail, les cinq personnages masqués de Farm fatale apparaissent et se posent sur fond d’une toile blanche immaculée.

La pièce plonge alors le spectateur dans un univers où tout évoque la ferme : des bottes de paille, le chant du coq, le pépiement des oiseaux, des fourches et autres ustensiles agricoles. Le petit groupe d’épouvantails poètes qui habite ce monde anime une radio indépendante, chante, joue de la musique, invente des slogans et se laisse aller parfois à la philosophie. Masqués, les voix déformées, ces clowns contemplatifs à l’écoute des pulsations de la planète ne nous sont peut-être pas si étrangers. Car ces hommes et femmes qui aspirent à un monde meilleur sont avant tout de doux rêveurs, des poètes, des militants, dont la capacité d’étonnement devant la beauté et la diversité de la nature est charmante et communicative.

Vivant à hauteur de plantes ou d’animaux, ces héros aussi drôles que d’une gentillesse désarmante, tentent malgré tout d’échapper au capitalisme déchaîné qui détruit les forêts, les terres, les océans, et de sauver les vies multiples de ce qui grouille, parle, poétise et pense tout autour de nous.

« Notre tâche est de mémoriser cette terre temporaire et dégradée si profondément et si passionnément que sa nature est invisiblement ressuscitée en nous. Nous sommes les abeilles de l’invisible. »
Rainer Maria Rilke