C’est l’histoire de Paul. Paul est gynécologue obstétricien. Sa vocation lui vient peut-être de sa mère infirmière qui a accouché de lui seule dans les toilettes d’un hôpital à la fin de la guerre de quarante et l’a abandonné. Il a soixante ans. Il vit seul dans sa maison et travaille à l’hôpital. Un homme est venu plusieurs fois lui rendre visite. Paul ne lui a jamais ouvert jusqu’à ce que la pièce débute. Cet homme c’est Maxime, quarante ans, clown pour les enfants malades. Maxime sait que son père Jean, qui est mort alors qu’il était petit garçon et Paul ont été amis intimes. Il a retrouvé un bout de film super 8 où on le voit enfant entouré de Paul et Jean, seulement c’est Paul qu’il appelle Papa. Il veut, en interrogeant Paul, renouer avec son histoire familiale, avec sa mère qu’il n’a jamais connue et apprendre la vérité sur sa conception. La présence de Maxime va obliger Paul à convoquer son passé. Paul, vieil homme solitaire, ne vit jamais bien loin de ceux qui ont habité sa vie. Il vit même en permanence avec eux : avec sa mère, figure fantasmatique qu’il a à peine connue, avec Jean, le père de Maxime, avec le Paul jeune homme qu’il a depuis longtemps cessé d’être.

Chaque rencontre du présent renvoie Paul à son passé. Ainsi, Alice, la jeune femme qui fait le ménage chez lui et qui arrive inopinément durant la visite de Maxime lui fait irrésistiblement penser à Suzanne, la mère de Maxime, la femme qu’il a follement aimée. Durant le temps de la pièce, le passé et le présent vont s’imbriquer. Paul va ainsi dialoguer avec ce qu’il a été, avec son ancien ami, avec son ancien amour. Des scènes du passé vont se rejouer désormais analysées à l’aune du présent. Ce jeu n’est pas gratuit. Il s’agit bien de se défaire des liens du passé, des redites, des répétitions, des obsessions qui courent entre les générations et qui entravent les êtres. Il s’agit pour Maxime et Alice de devenir un peu plus libres et conscients dans la nouvelle vie qu’ils vont s’offrir, sortis de la maison.

Le temps n’est pas linéaire. Il est fait de sauts dans le passé, de rebonds dans le présent, de rendez-vous avec des figures récurrentes : la mère qui abandonne l’enfant, préférer l’art à la vie, la présence de l’hôpital.

Un résumé du passé : Paul et Jean sont amis. Jean rencontre Suzanne. Suzanne et Jean ont une liaison. Suzanne tombe enceinte. Suzanne va voir Paul. Elle lui demande de l’avorter. Paul refuse d’avorter Suzanne, mais lui propose de prendre en charge l’enfant à sa place. Suzanne accepte ce drôle de marché. Jean se sent floué : il était pour l’avortement, pas pour que son futur enfant ait un autre père que lui. L’enfant naît. Il s’appelle Maxime. Paul et Jean s’en occupent. Jean ne supporte plus la présence de Paul auprès de Maxime. Il installe le petit garçon chez ses parents. Jean meurt dans un accident de moto. Loin de Maxime, Paul perd la tête. Le seul droit de visite qui lui était accordé par les parents de Jean est remis en cause. Maxime est entièrement élevé par ses grands-parents. Paul se consacre exclusivement à son métier. Suzanne devient de plus en plus célèbre en tant que plasticienne.

Pauline Sales

17 septembre 2008