Je désirais écrire une variation sur un classique du théâtre français. Comme ça, pour le plaisir, pour voir un peu. Pas une tentative d’adaptation moderne, non. Simplement quelque chose : un travail d’écriture. Comme j’ai pu faire avec les Fourberies et maître Puntila, comme avec Lorenzaccio. Mais autre chose…
Et voilà que parfois les choses vont très vite. Le 1er mai, installés sur des chaises longues, nous avons discuté longtemps Anne-Jacqueline et moi des pièces du répertoire. Et en me levant pour partir j’ai dit : « Et pourquoi pas le Cid ? » Tout en roulant plus tard l’idée m’a poursuivi. En rentrant j’ai enregistré une vingtaine de minutes d’un dialogue que j’improvisais entre un homme et une femme à partir de ces mots qu’il dit : Le Cid !
Le dimanche suivant en fin d’après-midi j’ai fait une deuxième séance d’enregistrement improvisé de vingt-cinq minutes environ. C’est à partir de cette matière enregistrée qu’en transcrivant j’ai écrit la pièce. J’ai gardé le cheminement de l’oral qui a une grande importance avec ses hésitations parfois et des redites. Le bonhomme parle. Il se parle. Il improvise forcément. Il progresse. Il creuse devant lui et ses idées émergent. Il parle à haute voix. Il essaie d’accrocher son attention. À elle et la sienne même. Il s’intéresse lui-même à ce qu’il dit, à sa recherche. Elle écoute de loin et s’exclame parfois, questionne. Il monologue et marmonne et marmotte.
C’est à la fin du jour, c’est en fin de journée. Ils sont en fin de leur journée et à la fin de leur voyage. Dans un temps de retraite et de loisirs. Ils n’ont plus rien à faire. Elle en profite et lui l’inactivité le ronge. Il cherche une occasion d’agir c’est-à-dire -vieil acteur- de jouer mais quelque chose de vraiment important. Le rêve. Très tendre et filigrane. On voit le grain de la photo, toute ridée toute irriguée de vie.
Et ils terminent en le jouant, le Cid ! Le leur !

André Benedetto