theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Être le loup »

Être le loup

mise en scène Guilaine Philispart

: Notes du metteur en scène

Jʼapprécie dans Etre le loup cette fausse légèreté empreinte de joie innocente avec laquelle lʼauteur nous dépeint par métaphore lʼéternelle dualité humaine : manger ou être mangé. Cʼest un état dʼesprit que je retrouve chez Fʼmurr dans le Génie des Alpages, chez Sempé, dans les films de Tati, Buster Keaton… Un brin de poésie, un zeste de rêve, de la générosité joyeuse sur un fond de cruauté. Autant dʼingrédients avec lesquels je désire transporter le public entre le conte merveilleux et la réalité, entre la connaissance liée à lʼinconscient collectif et lʼexpérience individuelle. Un jeu de saute-mouton qui ouvre le spectacle à plusieurs niveaux lecture :


Etre le loup fonctionne comme un conte. Donc une histoire où tout est possible. On peut la recevoir telle quelle, dans un premier niveau de lecture.
Puisque le terrible grand méchant loup est mort, le poste est vacant. Un mouton décide de prendre sa place et nous sommes témoins des conséquences de cet acte pour lui et ses amis dans une succession de scènes où se mêlent lʼabsurde, le comique et le tragique. La fin délibérément laissée ouverte invite à la réflexion.
Humour et cruauté nous renvoient à la construction et aux personnages des contes traditionnels auxquels dʼailleurs la pièce ne cesse de faire des clins dʼoeil tout en sʼamusant à brouiller les cartes : tout nʼest pas noir ou blanc. Entraîné dans un rythme joyeux, le spectateur est plongé dans cet univers onirique, haut en couleur.


Un deuxième niveau de lecture invite le spectateur à recevoir lʼhistoire et les relations métaphoriques des « images » du premier niveau. Ainsi, la pièce est construite (texte, jeu et choix scénographique) pour exprimer une métaphore de la société et de lʼadage « lʼhabit ne fait pas le moine ». Elle traite dʼune part de la soif du pouvoir et dʼautre part de lʼidentité au travers du costume. Est-ce quʼil suffit de changer de costume pour changer dʼidentité, comme au théâtre ou dans les jeux dʼenfants ? La société est-elle organisée par et autour des personnages jouant le rôle de leur costume ? Notre quotidien ne manque pas dʼexemples de dérapages suite à des cotes mal taillées, de costumes trop grands ou trop petits.


Etre le loup est une pièce philosophique.


Symboliquement, le loup stigmatise la peur à la fois terrifiante et jouissive du pouvoir absolu et cruel. Il représente « toutes les puissances asociales, inconscientes et dévorantes, contre lesquelles on doit apprendre à se protéger et que lʼon peut détruire par la force du moi. »
Il est tentant dʼenfiler un costume à la mesure de ses fantasmes, de refuser de voir les incertitudes et les conséquences pour foncer tête baissée dans le plaisir dʼEtre… enfin le « Loup ».


On oublie vite les sévices de nos tyrans pour tomber dans les mêmes travers.


Notre chemin de vie nʼest fait que de choix et chacun de nous, petit ou grand, peut se reconnaître dans cette tentation à vouloir sortir du rang, à devenir le héros dʼun jour.
Etre le loup nous renvoie à notre appétit de « croquer la vie à pleines dents », à lʼogre qui est en nous, encouragé par lʼair du temps dʼune société teintée de lʼesprit de performance, de sexualité et de réussite à tout prix…
Il nous faut une certaine dose de courage pour connaître et admettre les limites de nos appétits. Et cette fable pleine dʼhumour nous renvoie à la difficulté de préserver avec éthique cet équilibre.


Bruno Bettelheim : "Si nous n'avions pas en nous-mêmes quelque chose qui aime le grand méchant loup, il aurait moins de pouvoir sur nous."

Guilaine Philispart

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.