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Les Femmes savantes

+ d'infos sur l'adaptation de Agnès Larroque ,
mise en scène Agnès Larroque

: Note d'intention

Le choix d'un classique


C'est la première fois que la compagnie choisit de monter une pièce du répertoire classique.
C'est un exercice tentant de partir d'un texte écrit, pour une fois, contrairement à mes précédentes créations qui s'écrivaient au fur et à mesure du travail de répétition. C'est aussi une volonté de rompre avec une méthode de travail afin de se risquer sur un nouveau terrain de recherche . Il n'en demeure pas moins que le genre comique a toujours ma préférence car il me permet de regarder le monde avec "ce mélange instable de colère et de gaieté" comme le définit Hubert Gignoux; c'est donc la raison pour laquelle mon choix s'est tourné vers une comédie de Molière qui a le génie de continuer à nous faire encore rire aujourd'hui tant ce qu'il a su moquer des travers humains est universel.
Ensuite je souhaitais, depuis longtemps travailler avec des comédiennes alors très vite "Les femmes savantes" se sont imposées par cette large place réservée aux femmes. C'est une grande comédie en alexandrin où, une fois n'est pas coutume, les femmes semblent dominer et imposer leurs valeurs à tous les visiteurs. Le clan matriarcal est irresistible.
Les revendications féminines de cette pièce sont modernes pour l'époque même si Molière s'en moque. Ces femmes sont bouleversantes, touchantes et ridicules en même temps. C'est justement cet équilibre entre le pathétique et le comique que je désire questionner dans cette pièce.


La forme burlesque


-Le corps burlesque :

" Pour moi, par un malheur, je m'aperçois, Madame,
Que j'ai, ne vous déplaise, un corps tout comme une âme" CLITANDRE Acte 4 scène 2


Cet univers d'apparences et de mondanité dans lequel l'esprit et le beau langage l'emportent sur le corps et le bon sens m'a donné envie d'y opposer le choix d'une forme burlesque qui redonnera du corps là où tout concourre à l'éviter. Par exemple, nous introduirons des lourdeurs, des maladresses, des raideurs de corps chez les personnages précieux au sens où Bergson l'entend :


"Les attitudes, gestes et mouvements du corps humain sont risibles dans l'exacte mesure où ce corps nous fait penser à une simple mécanique...du mécanique plaqué sur du vivant"
Le rire – Bergson.


Là où le corps a renoncé, nous le ferons trébucher. Il prendra sa revanche, se désarticulera, défiera les lois de l'équilibre chez les personnages précieux. Ces derniers, ayant renoncé au corps, telle Armande :


"En traitant de mépris les sens et la matière,
A l'esprit, comme nous donnez-vous toute entière " ARMANDE Acte 1 Scène 1


Les personnages se verront entraver par leur propre corps et de là naîtra un rire salvateur qui rendra d'autant plus ridicule l'excès de leurs propos.


-La distribution :


Chaque comédienne jouera un rôle féminin et un rôle masculin. Cette dualité féminin/masculin est une des originalités de ce projet. De la même façon que les femmes prennent le pouvoir dans cette pièce, les comédiennes le prendront sur le plateau du théâtre en s'appropriant tous les rôles de manière à renforcer et à faire écho au pouvoir matriarcal (une fois n'est pas coutume chez Molière) dans cette pièce.


La scénographie – le choix de la cuisine


Le théâtre burlesque se nourrissant de concret, la cuisine sera notre laboratoire.
Nous placerons donc ces femmes savantes dans une cuisine car c'est un lieu "féminin" qui peut être à la fois un lieu symbolique d'asservissement ou de revendication . Ce choix est aussi dicté par la volonté d'éviter l'éternel salon où l'on cause et de préférer à un jeu psychologique un jeu concret de chair et de matière.


En effet, concrètement, ce lieu nous permettra de porter notre attention sur la matérialité des personnages...de brutalement ramener notre attention de l'âme sur le corps, car nous serons dans un endroit où , par définition, se satisfont les besoins primaires comme boire, manger... "l'âme sera taquinée par les besoins du corps", ce qui contrediera l'élévation spirituelle vers laquelle tendent les femmes savantes ; ces dernières seront plongées dans un lieu contradictoire et c'est en partie grâce à cette distorsion entre aspiration et besoin que naîtra le comique burlesque.

Ensuite le rapport culinaire que les personnages entretiendront avec ce lieu nous renseignera sur leurs caractères, leurs secrets, leurs complexes, leurs paradoxes voir leurs frustrations. Régime et gourmandise viendront s'affronter en échos aux affrontements verbaux; L'affrontement entre le choix de préférer les bassesses vulgaires à l'élévation spirituelle se règlera ici avec ce que les personnages auront sous la main (crème fouettée, eau, ... ) en hommage aux héros du cinéma burlesque du début du siècle dernier qui se faisaient un point d'honneur à tout casser, cette cuisine finira probablement en champ de bataille .
Les disputes seront parfois matérialisées par des jets de projectiles culinaires comme par exemple la célèbre dispute entre Trissotin et Vadius. En même temps qu'avancera le comique de mots nous créerons des situations burlesques.


La cuisine a aussi l'avantage de présenter un terrain de jeu d'apparition/disparition grâce aux éléments qui la composent comme un four, un frigo, une poubelle et c'est aussi un lieu permettant des bruitages qui viendront contredire certains personnages en donnant un écho cocasse à leur propos. (machine expresso, presse-agrume électrique, grille-pain...)

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