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Edouard II

mise en scène Guillaume Fulconis

: Note d'intention

Une question de légitimité
Edouard II, c'est l'histoire d'un roi qui ne veut pas du pouvoir, et peut-être plus encore l'histoire d'un roi qui ne peut pas exercer le pouvoir. La pièce s'ouvre sur ce paradoxe qui fera vaciller l'Etat.
Lorsqu'Edouard II monte sur le trône, il est à la fois légitime – puisqu'il est le fils de son père – et illégitime – parce qu'il est incapable d'incarner la souveraineté, c'est à dire de "tenir son rang". Et, de fait, si Edouard désire ardemment le trône, c'est avant tout pour laisser libre cours à ses désirs. Il n'a que faire de la raison d'état et de la préservation de l'ordre établi. Il veut avant tout jouir. Et c'est le seul exercice qu'il entend faire du pouvoir.
Si cette attitude est profondément égoïste et arrogante, elle est surtout une subversion radicale de la royauté. Car le roi est censé être roi par nature, puisqu'il incarne l'état.
Edouard pose un problème majeur. Le laisser gouverner, c'est mener le royaume à sa perte. Le déposer, c'est saper l'ordre monarchique dont il est le représentant.


La tragédie du pouvoir... ou les ruses de l'Histoire
Pour résoudre le problème, l'Histoire invente une ruse terrible. Le roi sera bien assassiné, mais les assassins seront condamnés par celui qui héritera du pouvoir. Isabelle et Mortimer tuent Edouard II. Ils installent sur le trône Edouard III. Edouard III les condamnent et réhabilite le défunt Edouard II. L'ordre monarchique est sauf.
Derrière le cynisme apparent du procédé, il y a pourtant un idéal de justice. Car ce n'est pas un froid disciple de Machiavel qui met fn à la pièce, mais un enfant en larmes qui crie "Innocence". Cette seule parole justifie qu'on veuille monter la pièce. Au milieu du bain de sang qu'il fait couler avec un humour féroce, Marlowe suspend notre jugement par un acte de grâce et ouvre les yeux de notre imagination.
Car qui était Edouard ? Un égoïste irresponsable et arrogant, ou un homme libre qui refusait de voir son amour détruit par l'ordre en place ? Et qui était Isabelle ? Une inconséquente prête à tous les revirements pour installer son fls sur le trône, ou une grande femme politique en train d'inventer l'état-nation moderne ? Et qui était Mortimer ? Une brute réactionnaire et ambitieuse, ou un homme qui ne supporte pas de voir qu'on saccage l'état et qu'on méprise ses sujets ?
Tous les rôles chez Marlowe sont ainsi tendus vers une aspiration qui les dépasse. Ne pas les saisir dans leur contradiction ce serait se montrer aussi aveuglés qu'eux. Car il y a une chose qu'aucun d'eux ne voit – sauf peut-être l'enfant qui en a l'intuition. Le problème ce n'est pas d'avoir un bon ou mauvais roi, le problème c'est la royauté.


Préoccupations contemporaines
Oublions un instant les contradictions de la féodalité finissante face à l'aube de la renaissance. Et considérons un instant nos démocraties essoufflées. On perçoit alors une actualité politique possible de la pièce. Car quelle est en définitive la question posée, si ce n'est celle des institutions et de la responsabilité des dirigeants ?
La république elle-même n'est-elle pas bien souvent lassée de ses élus qui n'incarnent plus la nation mais se contentent de gérer les affaires ?
N'avons nous pas nous mêmes à ce point poussé nos libertés individuelles que le corps du peuple n'en soit déchiré ? Ne nous faudra-t-il pas bientôt nous aussi nous garder de la terreur ?

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