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Du ciel tombaient des animaux

mise en scène Marc Paquien

: Note d'intention

par Marc Paquien

  • « Beware the future, we’ve already been there. »

Edward Bond


  • « Moi, le seul rescapé, je me suis sauvé pour te l’annoncer. »

Livre de Job


  • « Je marche dans la rue et il y a une porte entr’ouverte dans la palissade et derrière, trois femmes que j’ai déjà vues. »

Escaped alone


Pourquoi ne connaît-on toujours pas en France l’œuvre de Caryl Churchill ? La réponse se trouve peut-être dans l’étrangeté et la singularité des textes de cette auteure, âgée aujourd’hui de 81 ans, qui est l’une des figures majeures de la scène théâtrale britannique contemporaine. Ses préoccupations ont toujours été celles d’une écrivaine engagée, militante de la cause des femmes, inscrivant sans relâche son théâtre dans un questionnement politique, en prise directe avec le présent. Par exemple, dans la pièce A number, elle s’attaque aux dérives de la science, à travers l’histoire d’un père et de ses fils clonés, questionnant ainsi le thème de l’identité. Dans Not not not enough oxygene, elle décrit un monde (pas si lointain) où les habitants vivent cloîtrés dans les tours « des Londres ». Faute d’oxygène, ils se voient dans l’incapacité de parler. Dans Drunk enough to say I love you, elle s’élève contre la guerre en Irak et le rapprochement anglo-américain en mettant en scène George Bush et Tony Blair dans les rôles de Sam and Jack, un couple homosexuel aux prises avec l’alcool. Mais plus encore, Caryl Churchill, dans la grande tradition du théâtre anglais, expérimente la langue et les genres, créant ainsi une œuvre majeure dont se sont inspirés beaucoup d’auteurs de la nouvelle génération.


Voilà longtemps que je connais ses textes. J’en ai réalisés certains pour France Culture. Son écriture ne cesse de m’interpeller, chaque pièce se révélant un moment de découverte, d’audace, de vérité. Après avoir mis en scène des pièces de Samuel Beckett, Martin Crimp, Nick Payne, aborder l’œuvre de Caryl Churchill est pour moi un nouveau pas dans l’expérience d’un théâtre fondé sur la langue, un théâtre qui redonne vie à la dimension militante de la scène en faisant se traverser politique et poétique.


Cette dernière pièce (créée au Royal Court à Londres), apporte une nouvelle fois la preuve de son esprit visionnaire et fulgurant. Quatre dames âgées dans un jardin discutent de leur existence, de la vie ordinaire : petits-enfants, programmes télés, oiseaux marins, religion... C’est un après-midi d’été. Parmi elles, une nouvelle voisine, venue d’ailleurs — Cassandre des temps modernes ou fantôme du futur ? Cette dernière a vu la catastrophe du monde et vient délivrer sa parole prophétique, brûlante, pleine d’un humour acerbe. Un « rire hénaurme » se déploie. Mise en garde contre les dérives de l’hypercapitalisme et d’une mondialisation non-maîtrisée... La pièce ouvre alors un espace étonnant, fragmenté entre futur et présent. Ce portrait d’une société chimérique qui vire au cauchemar fait revivre la lignée des grands textes eschatologiques, de l’épisode du Déluge dans L’Ancien Testament à La route de Cormac McCarthy ... Ainsi, à travers Du ciel tombaient des animaux, à l’heure du thé et de la catastrophe, se déploie une comédie âpre et insolite. Une comédie au goût de fin du monde.

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