: Le mot de l'auteur
Depuis Tirso de Molina, créateur du premier Don Juan Tenorio, en passant par
le Don Juan ou le Festin de pierre de Molière et le Don Giovanni de Mozart et
Da Ponte, le personnage a traversé brillamment toutes les époques. Il est à la fois
l'homme à femmes et le génie athée sans scrupule que la morale rejette mais dont
les exploits fascinent. Il semble que tout ait été dit sur lui. Alors pourquoi revenir sur
un mythe et lui adjoindre de nouvelles aventures ?
Tout simplement parce que les époques changent. Notre société plus permissive n'a
pas le même engouement pour le personnage des siècles passés, car les Don Juan
pullulent et le mal s'incarne de nos jours plus violemment et plus insidieusement que
dans l'abandon le soir des noces de quelques jeunes femmes énamourées. J'ai donc
imaginé un Don Juan revenant au XXIè siècle et découvrant, étonné, le changement
des moeurs, la libération de la femme dans certains pays, son asservissement dans
d'autres, ainsi que l'athéisme grandissant d'un côté et le religieux de l'autre. Je
lui ai adjoint un absent, son serviteur, mélange de Sganarelle et de Leporello, qui
n'est plus là pour s'offusquer. Don Juan n'a plus ce contrepoint de bon sens, cet
allié involontaire qui se répand en le médisant – tout en subissant son indéniable
charisme. Or que devient-on à notre époque où le paraître est roi, où la "com" et
la "pub" sont plus nécessaires que le savoir, le faire et le savoir-faire ? C'est en effet
le faire-savoir qui est devenu le maître mot de toute action, création ou réflexion.
Privé de son serviteur qui fait ce travail de relations publiques, Don Juan est perdu.
Dans ma pièce, il va passer son temps à le recréer, à le réinventer et va même jusqu'à
demander au public de lui faire une contre publicité afin que le mythe continue à
perdurer.
Pièce pour un homme seul, c'est-à-dire pièce pour un seul acteur, mais aussi pièce
pour un solitaire, le personnage se met à nu et va revivre son destin auquel il ne
pourra éternellement échapper. C'est donc un personnage moderne, cynique mais
aussi fragile que je vous invite à découvrir dans Don Juan, le retour.
Gérard Savoisien
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