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Dom Juan ou Le Festin de Pierre

d'après Dom Juan de  Molière

: Entretien avec Jean Lambert-wild (2/2)

Propos recueillis par Eugénie Pastor

Vous sortez de votre première période de répétitions. Comment se sont-elles déroulées ?


Nous avons fait deux semaines de travail formidable à l’Académie de l’Union, dont le but était tout d’abord de se rencontrer avec Steve Tientcheu et de comprendre comment nous pourrions conjuguer nos énergies et notre poétique, mais aussi d’oser ce pari incroyable: que l’ensemble des seize académiciens soient distribués sur cette création. Il n’y a pas seize rôles à pourvoir dans Dom Juan. Ils ne peuvent donc pas jouer tous ensemble la même représentation. Cela nous a obligés à réfléchir à la géométrie de la représentation, à la dynamique des lignes de forces qui soutiennent la narration de la pièce. Quatre académiciens se relaieront à tour de rôle pour chaque rôle.
On ne définira pas par avance qui jouera quoi. Toutes les filles peuvent être une Elvire ou une Charlotte, tous les garçons pourront jouer un Dom Louis, et ce n’est certainement pas leur physique qui déterminera qui ils interprètent. On ne peut pas se permettre d’être dans des caricatures lorsqu’on aborde un mythe. On va s’offrir cette capacité de découverte, en répétitions et de représentation en représentation de nous surprendre, de nous réinventer et d’assembler les propositions de tous pour faire la juste énonciation de chacun. Je sors enthousiaste de partager cela avec les élèves de l’Académie de l’Union, d’inscrire cette création dans un projet pédagogique où finalement un Clown aveugle de lui-même a tout à apprendre du regard neuf de jeunes volontés. Le projet s’inscrit dans un long parcours de création, et verra le jour en avril 2019.


Quand ils termineront leurs études en juin 2019, ils seront diplômés, et donc comédiens professionnels. C‘est alors qu’une tournée pourra commencer. J’espère qu’elle durera de nombreuses années.


Avez-vous une idée, après cette phase de répétitions, de la forme que pourrait prendre votre adaptation ?


Dès le début, Dom Juan sera déjà en train de converser avec des morts. La fréquentation des esprits ne pouvant se faire qu’avec un peu d’humour, Dom Juan aura une insolence joyeuse. Nous avons aussi trouvé une solution surprenante au problème de l’apparition du Commandeur, qui s’intègrera à notre décor. Nous serons accompagnés de trois interprètes musicaux, en frac, qui seront les autres laquais, présents pour ce dernier festin: Pascal Rinaldi, qui reprendra de vieux classiques et en écrira de nouveaux, Romaine, et Denis Alber.
Il s’agit de rallier des traditions du théâtre tout en faisant comprendre la tragédie de la pièce. Mais j’ai surtout la chance d’être accompagné par l’incroyable Steve Tientcheu qui interprétera Sganarelle. Steve est un acteur puissant et émouvant et je dois dire qu’il m’apprend, par sa rigueur et son engagement, l’intime élégance d’aimer le théâtre avec plus de douceur.


Après le succès de Richard III, continuerez-vous d’incorporer la porcelaine à votre esthétique scénique ?


La porcelaine est un matériau incroyable : tant par la façon dont elle capte la lumière que par l’imaginaire qui lui est lié. Je travaille avec Esprit Porcelaine et la Manufacture Porcelaines de la Fabrique.


Stéphane Blanquet et moi travaillons sur la scénographie et avec nos camarades Christian Couty, Matthieu Bussereau et Daniel Betoule, nous nous sommes donnés le défi un peu fou de créer un décor mêlant les folles perspectives des décors des théâtres à l’italienne réalisé à partir de tapisseries en point numérique d’Aubusson grâce à un partenariat d’exception avec l’entreprise Néolice et bien sûr la porcelaine que nous utiliserons pour fabriquer les marches d’un escalier en colimaçon et de nombreux accessoires.


Je serai chaussé de petits chaussons de porcelaine et Christian Couty m’a garanti que je pourrai faire des claquettes avec !


Vous collaborez depuis bien plus longtemps mais il s’agit ici du second projet pour lequel Catherine Lefeuvre est officiellement créditée en tant que co-auteure. Comment cela s’est-il décidé ?


C’est assez simple : il s’agit de s’interroger sur ce que partager vingt ans de travail signifie. Bien produire, c’est bien créer et bien penser. Catherine a aussi un impact sur la façon dont nous travaillons : ses retours, ses avis en répétition sont importants. Ce sont pour nous des évidences qui ne se partagent pas tout le temps parce que la vie est faite d’une masse de choses qui font qu’on ne va pas toujours vers l’évidence!


Tous les projets que nous faisons depuis vingt ans existent grâce à Catherine. Et plus je monte sur le plateau, plus j’ai besoin qu’elle soit là. Elle est une vigie qui me permet de converser. Faire l’adaptation de cette pièce est un travail à la fois artistique et de production. Produire est un acte artistique, nous affirmons qu’il n’y a pas de dichotomie entre produire, créer, jouer. Pour nous, il n’y a plus de metteur en scène, ce qui veut dire que d’autres choses apparaissent. Ce que nous faisons ici est un acte politique : comment produit-on ? Comment de jeunes acteurs et actrices s’insèrent dans notre profession ? Comment penser la question de la transmission, de la formation ? C’est la raison pour laquelle l’adaptation au sens où on l’entend n’est pas seulement une adaptation du texte, mais une adaptation de nos façons actuelles de travailler. Cela passe par le texte, mais cela dit beaucoup plus. Et cela nous permet en plus, à tous les deux, de rire au même moment.

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