: Le Spectacle
Avec sa langue inimitable, à la poésie sautillante,
à l'humour ravageur, à la fois tendre et vipérine;
avec sa conscience politique et un véritable
amour des "petites gens"; avec son sens aigu
de la musicalité des mots: avec tout ça, Ascanio
Celestini a construit en quelques années
une grande oeuvre de théâtre. Discours à la nation en marque un tournant important. Pour
la première fois, Celestini n'a pas écrit pour lui
mais pour un autre, en l'occurrence le comédien
David Murgia. Et si les textes ont été au départ
écrits en Italien, la création se fait bel et bien en
français.
"Patrick Bebi a traduit les textes d'Ascanio avec beaucoup de talent mais, dès le départ de notre travail ensemble, Ascanio m'a invité à prendre beaucoup de liberté avec ça, souligne David Murgia. On ne peut pas rendre toute la musicalité de l'italien avec le français et j'ai pu ajouter mes rondeurs à moi, apporter ma touche: le but était que je sois imprégné des histoires, pas d'en respecter le texte à la lettre."
Les histoires ! Raconteur hors-pair, Celestini
en truffe à nouveau son récit. Des récits de
gens un peu cyniques, froids, déshumanisés,
dans un petit pays où il pleut beaucoup. Mais
ces histoires viennent en contrepoint à de
véritables discours politiques. Tenus par des
politiciens, des chefs d'entreprise. Des puissants
qui haranguent la foule. "Après Fabbrica ou La Pecora Nera, par exemple, je voulais raconter à nouveau la relation entre la classe dominante et la classe dominée mais en changeant mon point de vue et partant cette fois de celui des dominants,
explique Celestini. Quand elle souhaite obtenir quelque chose de la classe dominée, le
vote par exemple, la dominante doit s'exposer, se rendre visible.
C'est un risque pour elle, et cela la rend parfois grotesque. Cette relation particulière entre l'orateur et l'auditeur permet, en transparence, d'explorer la notion de société ou de nation."
Jamais, sans doute, le versant politique du
théâtre de Celestini, n'a été aussi puissant que
dans ces "discours", merveilleusement portés
par un Murgia terriblement investi. Il nous séduit,
nous emporte, nous effraie, se ridiculise et se
magnifie. Avant de changer complètement de
registre dans les respirations plus poétiques des
"historiettes", soulignées par la guitare de Carmelo
Prestigiacomo, qui apportent ce qu'il faut
de distance au discours des puissants.
"Le raconteur d'histoire comme Celestini, ça existe très peu chez nous, souligne David Murgia. Ca demande de trouver le bon ton pour toucher le spectateur, loin de la performance d'acteur. Le spectacle doit beaucoup à l'honnêteté de notre rencontre. Au-delà de la barrière de la langue, car mon italien est mauvais, nous nous sommes compris très simplement. Ascanio a une énorme qualité d'écoute. Il n'est jamais venu avec des recettes toutes faites. Il a travaillé en fonction de ma théâtralité, de ma sensibilité. Ce fut un travail très riche pour le jeune acteur que je suis."
Et de l'alchimie de cette rencontre nait un
spectacle superbe, qui ne perd rien du talent
poétique de Celestini mais s'ouvre modestement
à de nouveaux horizons et de nouveaux regards
tout en délivrant un message ravageur et pointu
sur l'état de nos nations en crise.
Pierre Morel
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