« Le théâtre n'est utile que s'il contient un dispositif insondable » Claude Régy Espaces perdus

« C'est pas clair mais ça fera un très bon travail si on embrouille la tête des gens ». Ce même Claude Régy

Les nouveaux territoires de l'art, hors les murs...
- comme on peut le voir sur les photos du projet « Des couteaux dans les poules » se voudrait dans des espaces différents,
différents de ceux des représentations habituelles,
différents de ceux des attentes du public,
différents des espaces équipés ou équiprobables,
différents des espaces totalitaires
- des usines ? D'anciennes usines?
Absolument.

Lorsque nous commençons à travailler ce texte, nous nous imposons un dispositif scénique simple et léger composé de rampes de tubes fluos et d'enceintes de super-marché.

Plusieurs éléments nous paraissent importants à développer...
Lenvironnement : cette odeur de tourbe et de whisky des campagnes écossaises. Cette nature dure et franche.
L'époque; Dans ce texte nous sommes à l'aube des grands mouvements, le Moyen Âge avait figé les choses, la Révolution Industrielle va les mélanger.
Ce texte décrit la fin des paysans écossais, futurs expulsés des terres, futurs déplacés. Ils devront rendre les terres qu'ils cultivent pour composer ces armées de travailleurs, imposées, demandées par la Révolution Industrielle. Ces mêmes travailleurs qui plus tard laisseront leurs machines-outils et partiront à la guerre. Ces mêmes soldats rendront leurs fusils pour venir reconstruire la vieille Europe, et ainsi de suite dans un mouvement infini et perpétuel des civilisations.
Les réflexions philosophiques, la question de la culture comme source de liberté, celle qui veut nous échapper celle qui peut nous échapper, celle que nous abandonnons.
Le sens des choses, les émotions, sentir, comprendre, savoir.
Et puis intégrer la question du temps, du temps suspendus et des rapports entre les individus: la campagne du XIXème siècle, le monde du travail aujourd'hui.

Pourquoi nous pensons à Claude Régy. .Parce qu'il est le découvreur de ce texte et que son théâtre m'habite depuis longtemps. Il impose le vide. Cette force latente du noir, total, du silence, qui provoque une écoute et nous permet d'être face à nous-mêmes.

Parce que aujourd'hui qui prend le temps, le courage de regarder, sans distraction. Parce qu'aujourd'hui ce recentrement sur le non-divertissement, sur le rien est là la grande leçon de sagesse...

Je finirai par cette conclusion d'Emmanuel Larrouturou in Valorisation des patrimoines et politiques culturels territoriaux.
« Le rapprochement de l'art et de la vie, qu'ont mis en marche les mouvements Dada, Cobra, les situationnistes ou des artistes comme Joseph Beuys nous interpelle évidemment sur la place de l'art et sa possible stérilisation lorsqu'ils deviennent banalisés et encadrés comme une simple marchandise, dans une sorte de spectacle de sa constellation, lui enlevant toute valeur subversive. A ce titre, une scission philosophique intervient dans les nouveaux territoires de l'art, celle de savoir si c'est la politique institutionnelle qui doit délimiter le champ artistique ou s'il appartient aux artistes seuls de poser les limites de leurs créations. »

Melchior Delaunay