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Des couteaux dans les poules

+ d'infos sur le texte de David Harrower traduit par Jérôme Hankins
mise en scène Thibault Lebert

: Notes d’intention

Ce monde rural du XVIIIème siècle est à la limite de la civilisation. Le meunier est encore la personne détestée par toute la communauté, et semble-t-il dans toute l’Europe, accusé d’exploiter le peuple et de s’enrichir sur le travail des paysans. C’est également le symbole du mal, doté de forces magiques et lié à des puissances horribles et surnaturelles.
Ce monde que nous livre Harrower, c’est aussi celui de la connaissance, du rationalisme, et la jeune femme apparaît comme un paradigme de cette soif de dire le monde, d’aller au plus près du sens des choses.
Avec elle, ce sont deux mondes qui s’opposent, et pour résoudre cette antinomie, elle doit « pousser des noms dans ce qui est là pareil que quand je pousse mon couteau dans le ventre d’une poule », aller chercher au plus profond d’elle-même et au plus profond des choses, même si pour cela il faut franchir les limites du bien.
Des couteaux dans les poules questionne également ce qui est inhérent à l’homme, l’existence de Dieu, et c’est là toute la complexité de la pièce. Effarée devant tout ce que Dieu lui a mis devant les yeux, la jeune femme n’a pas de nom pour appeler toutes ces choses qui se présentent à elle.
Elle croit qu’en regardant assez longtemps et assez intensément ce qui l’entoure, elle sera récompensée avec les mots pour décrire, elle se rapprochera de Dieu.
C’est finalement d’elle-même qu’elle va se rapprocher, et c’est là la seule réponse que l’auteur voudra nous livrer. La conscience naît avec le langage et l’écriture.
Jamais il ne dira s’il existe un Dieu, puisque c’est la question qui se pose aux hommes depuis toujours.
Ce que fait la jeune femme - essayer de nommer au mieux ce qui l’entoure pour donner du sens - se rapproche un peu du travail que nous effectuons au théâtre.
Il ne s’agit pas de montrer, il n’en est nul besoin, les mots suffisent. Ils sont capables à eux seuls de faire sens et de nous renvoyer aux images, de reconstruire l’histoire, de lui donner son rythme et ses couleurs.
L’écriture de David Harrower s’impose, directe, abrupte, âpre et poétique comme la terre que ses personnages foulent du pied, épurée comme le ciel au dessus de leurs têtes. L’absence de pronoms personnels, d’articles, vient gommer le superflu pour laisser parler l’essentiel, pour faire résonner des mots aiguisés comme des couteaux et des idées douces comme de la soie.
Cette écriture n’est pas sans rappeler ce qui est à l’origine du théâtre, ce qui constitue sa base : les acteurs, leur présence physique, seule capable de développer le propos, de donner corps et vie au texte, contrairement à la littérature qui, elle, a besoin de décrire, de développer en mots pour sortir la poésie.
Je crois que l’investissement physique est la clé pour faire transpirer la langue chez les comédiens, pour les amener vers un autre « soi », dans un langage qui n’existe pas, celui de Harrower. Ils doivent être traversés par le texte, par les mots, au moment où ils résonnent, naturellement, sans savoir-faire, sans artifice ou construction.
Au niveau de la scénographie, je compte travailler sur un dépouillement, sur quelque chose de très épuré afin de laisser les comédiens, passeurs de la langue, exister le plus possible.
Il est indispensable de faire un travail sur l’écriture, de trouver le rythme propre à la pièce. Il nous faut partir d’idées et de situations très concrètes, ancrées dans la terre, en limitant la présence d’objets sur le plateau à ceux porteurs d’une forte charge symbolique.
Le placement dans l’espace est primordial, c’est sur lui que repose cette histoire, qui est avant tout une histoire d’amour pleine de symboles, et qui nous amène à nous questionner sur l’humain, sur ce que signifie être humain par rapport aux autres.

Thibault Lebert

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