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Des Jours et des nuits à Chartres

+ d'infos sur le texte de Henning Mankell traduit par Terje Sinding
mise en scène Daniel Benoin

: La Pièce

Sans l'avoir connue, j'ai toujours été extrêmement intrigué, choqué, violenté par la Seconde Guerre mondiale. Sa fin a précédé ma naissance de quelques années, pourtant j'ai toujours eu le sentiment profond qu'elle a marqué ma vie, celle des Français et des Européens. C'est pourquoi j'ai monté de nombreuses pièces sur ce sujet, dont peut-être les plus connues ont été Deutsches Requiem, Sigmaringen (France) ou La Chienne dactylographe, des pièces influencées par l'ensemble des événements tragiques qui jalonnent la Seconde Guerre mondiale. Peut-être est-ce le fait d'être né à côté de la frontière franco-allemande qui crée ce phénomène, en tout cas je reste persuadé aujourd'hui encore, 70 ans après l'appel du 18 juin, 65 ans après la défaite de l'Allemagne, que cette période majeure du 20ème siècle nous hante toujours fortement en ce début de 21ème siècle.
Quand j'ai lu Des jours et des nuits à Chartres, j'ai été immédiatement fasciné. Henning Mankell est ce grand auteur suédois, gendre d'Ingmar Bergman, connu dans le monde entier pour ses romans policiers qui mettent en scène l'inspecteur Kurt Wallander, dont on a même tiré une série télévisée primée comme la meilleure de 2009.
De quoi s'agit-il ? Du cliché que prend Robert Capa en août 1944 à Chartres, lorsque la ville est libérée et que l'épuration commence ; cette photo où l'on voit une jeune femme tondue, avec un bébé dans les bras.
C'est le rapport entre Robert Capa et cette photo qui est l'objet de la pièce. On va à la fois raconter l'histoire de la photo - qui sont ces gens, que font-ils, d'où viennent-ils, qu'ont-ils fait ? - et puis d'une certaine manière le regard que peut avoir le photographe sur la scène qu'il immortalise.
Robert Capa, en quelques mots. Il ne s'appelle pas du tout Capa mais Friedmann. Il est juif hongrois, né à Budapest en 1913. Fuyant la Hongrie en 1931, parce qu'un amiral fasciste et antisémite est à la tête du pays depuis le Traité de Versailles, il s'installe à Berlin, qu'il quitte en 1933 - et pour cause, Adolf Hitler devient chancelier du Reich en janvier de cette même année - pour s'établir à Paris. Il a 20 ans, il rencontre, entre autres, David Seymour et Henri Cartier-Bresson avec lesquels il fondera quelques années plus tard l'agence Magnum. A 23 ans, il rejoint l'Espagne dès le début de la guerre civile. Il y fait les clichés que l'on connaît, dont le plus célèbre, Mort d'un militant,lui apportera la renommée. Entre-temps, en 1936, il prend pour pseudonyme Robert Capa, proche du nom du metteur en scène américain, Frank Capra, en vogue à cette époque. En 1938, il couvre la seconde guerre sino-japonaise et, en 1944, il est le seul photographe présent lors du débarquement allié en Normandie. Finalement il va suivre toutes les guerres. Il sera le grand photographe des conflits. Il meurt en 1954, en sautant sur une mine pendant la guerre d'Indochine. Capa a toujours été au coeur du théâtre des opérations, se questionnant constamment sur l'action qu'il est en train de voir et sur l'histoire qu'elle révèle.
L'histoire que révèle Des jours et des nuits à Chartres, est le regard que peut avoir ce photographe d'origine hongroise, mais à travers lui bien évidemment, c'est aussi le regard de Mankell, un Suédois, qui vit la moitié du temps dans son pays et l'autre moitié au Mozambique, s'occupant là-bas d'une troupe de théâtre. Henning Mankell, comme moi, est né après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Quelle perception a-t-il de ce conflit auquel son pays ne participe pas ? Je dirais qu'il aborde d'une manière totalement nouvelle à la fois la défaite, l'Occupation, la collaboration, la Résistance, la Libération, l'épuration, tous ces moments qui sont devenus des mots et qui ont imprégné profondément l'Histoire de France. Il les voit d'un oeil nouveau, en particulier parce qu'il sait que tous ces êtres sont très jeunes. Les résistants se sont engagés à 17-18 ans en 1942, ils ont 20 ans lorsque la Libération puis l'épuration surviennent. D'autres, au contraire, ont basculé dans la collaboration (tel Lacombe Lucien), sans savoir exactement où ils allaient et sans avoir conscience, comme cette fille, Simone, qu'avoir un enfant avec un simple soldat de la Wehrmacht changerait définitivement le cours de sa vie.
C'est une pièce de jeunes comédiens, de jeunes comédiens très forts, très présents et je dois avouer qu'en la refermant, la toute première fois, j'ai immédiatement eu le désir de la mettre en scène. Je crois, d'une certaine manière, savoir comment aborder une telle oeuvre parce qu'elle parle d'une période de notre Histoire, celle qui m'a le plus marqué.

Daniel Benoin

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