Mon intuition m’invite dans un premier temps, à suivre les indications précises de l’auteur : la pièce est en elle-même une machine suffisamment efficace. Mettre en scène respectueusement l’œuvre, le texte, sans exclure l’exubérance, c’est peut-être s’approcher de sa modernité. Bien entendu, l’essentiel reposera sur la direction des acteurs et sur le dialogue collectif et créatif que nous saurons créer.

« Thomas Bernhard nous conduit à la source infinie de la maladie, à sa folie, à sa catastrophique inventivité. Il nous fait monter sur « la grande barque à phénomènes », d’abord en spectateur, avant que nous nous apercevions, à la trogne hilare des mille monstres qui nous font fête, que nous sommes nous-mêmes atteints. » Hervé Guibert. A l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie.

La maladie est chez Thomas Bernhard, un mal répandu à l’échelle de l’Autriche. La société est cancérigène, elle mortifie ses membres et contribue à l’aliénation la plus totale du penseur. Le personnage Bernhardien tombe malade, mais il le fait avec une intensité, une énergie, une inventivité qui surpassent l’état maladif normal. Il revendique sa maladie. Il la réclame. Il modèle sa maladie comme si c’était un talent personnel et décide de gagner son combat en mettant toutes les chances contre lui^[1]. Il y a, chose rare chez Bernhard, non pas une capitulation du malade, mais presque une victoire de la folie, une sorte d’éloge de celle-ci. Thomas Bernhard nous convie à « la description d’un combat », un combat décisif et nécessaire contre la nécrose presque programmée de cette société qui s’attaque à ses éléments les plus brillants.

Frédéric Borie