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Débrayage

+ d'infos sur le texte de Rémi De Vos
mise en scène Éric Vigner

: Le grain de sel de Marie Darrieussecq

La valeur travail, c’est le mot d’ordre aujourd’hui, à gauche comme à droite. Le travail n’est plus une torture mais un devoir - plus rarement un droit. Torture et travail ont la même étymologie : tripalium, un instrument de torture romain, constitué de trois pals… L’expression bourreau de travail est donc en fait un pléonasme. De la torture à la valeur suprême, en lisant le texte de la pièce de Rémi De Vos, Débrayage, m’est revenu en mémoire un documentaire que j’avais vu, Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés, sur la souffrance au travail. Je n’ai pas encore vu ce nouveau documentaire, J’ai (très) mal au travail, mais tous ces titres démentent le mot d’ordre officiel, et dénoncent le travail, ou les conditions du travail, comme un tripalium.


De l’invention des RTT au concept de « travailler plus pour gagner plus », il est très difficile, librement, de ne rien faire. Ne rien faire peut être une ascèse, ou un art, ou une mélancolie. Une culpabilité aussi : quand on n’a pas de travail, quand le travail manque, ne rien faire est une souffrance, un désoeuvrement.


Cent cinquante ans après, nos politiques seraient ébouriffés à la lecture de Paul Lafargue, qui écrivait en 1880 dans Le Droit à la paresse :


« Il faut que le prolétariat foule aux pieds les préjugés de la morale chrétienne, économique, libre penseuse ; il faut qu’il retourne à ses instincts naturels, qu’il proclame les Droits de la Paresse, mille et mille fois plus sacrés que les phtisiques Droits de l’Homme concoctés par les avocats métaphysiques de la révolution bourgeoise ; qu’il se contraigne à ne travailler que trois heures par jour, à fainéanter et bombancer le reste de la journée et de la nuit. »


Paul Lafargue, si je ne m’abuse, était le gendre de Marx. Souvenirs de ma grand-mère, ramendeuse de filets. Elle se levait au milieu de la nuit, quand les chalutiers rentraient au port. Avec une douzaine d’autres ouvrières, elle s’asseyait sur une chaise basse autour des filets ruisselants que les pécheurs déchargeaient. Les filets avaient été vidés de leurs poissons, et ils étaient souvent déchirés de toutes parts : il fallait réparer, ramender, vite, avant le prochain départ. Impossible de mettre des gants : travail de précision. Une paume en cuir pour pousser la navette, du gros fil épais, et les maillages à pleine main, glacés d’eau de mer. Quand le soleil montait sur le port, ça se réchauffait, oui, mais les méduses commençaient à s’évaporer : les milliers de méduses emmêlées au filet. Elles se transformaient en poudre, urticante pour les mains et les yeux. Pas une plainte de ma grand-mère : des souvenirs d’amitié, de conversation au-dessus des filets, et la fierté d’être un personnage du port, aussi. Sur ses vieux jours, ma prolétaire de grand-mère était devenue une notable, pas par richesse, mais par statut social : elle avait participé à l’histoire du port, elle en avait été témoin, elle avait vu passer tous les bateaux, participé à toutes les campagnes, vu disparaître le thon, puis l’anchois, puis, quasiment, le port : tout le monde la connaissait et la respectait.


Le travail l’avait fait souffrir, mais le travail l’avait faite, et lui avait apporté beaucoup de satisfaction. Et j’aurais aimé lui poser ces questions, alors je vous les pose :


1) Si vous n’étiez pas obligé de gagner votre vie, travailleriez-vous ? Ou à quoi occuperiez-vous votre temps ?
2) Si vous aviez le choix, quel autre métier feriez-vous ?
3) Avez-vous du travail ? Comment s’appelle ce travail ? Comment le décririez-vous ?
4) Quel(s) métier(s) avez-vous déjà exercé(s) ?
5) Voici 4 mots pour décrire le travail : classez-les de 1 à 4, en expliquant éventuellement pourquoi : plaisir, souffrance, satisfaction, angoisse.


Ce questionnaire n’a aucune prétention sociologique. Il s’inscrit comme une rêverie autour de la pièce Débrayage. Je l’ai fait circuler autour de moi, sans souci d’échantillonnage représentatif. J’ai cependant évité de ne poser la question qu’à des écrivains ou des gens de théâtre… et constaté que décidément, je ne connaissais plus beaucoup d’ouvriers.


Mais les questions ont trouvé des chemins inattendus, et toutes les réponses peuvent être consultées sur le site du CDN : seuls les prénoms ont été changés. Certains questionnaires ont été faits sous forme de court entretien, mais la plupart des réponses ont été rédigées directement par les gens.


Si vous souhaitez répondre à votre tour, n’hésitez pas… mariedarrieussecqATcdn-orleans.com


Découvrez des réponses sur le site du CDN d'Orléans : www.cdn-orleans.com

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