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Dark Noon

Tue Biering ( Mise en scène ) , Nhlanhla Mahlangu ( Chorégraphie )


: Entretien avec Tue Biering

Propos recueillis par Matthieu Banvillet

Dans Dark Noon, vous mettez en scène la violence à travers des faits marquants de l’histoire de l’occident. Pourquoi utilisez-vous pour cela les ressorts de la parodie et de la comédie à travers un vrai/faux western ? La dérision est-elle une caractéristique de votre travail ?


Tue Biering. Il est difficile pour moi de caractériser mon travail et je ne saurais dire si la dérision en fait partie ; cela dépend beaucoup des spectacles. Ce qui est certain, c’est que j’essaie d’introduire différentes façons de raconter des histoires et, souvent à partir de références de pop culture, de mettre le public face à des problématiques très identifiables.
Dans Dark Noon, j’utilise en effet la référence du western que le public s’approprie immédiatement car c’est un genre qui lui est très familier. Et pour moi, c’est un moyen de questionner le concept de civilisation, être à la frontière entre ce qui serait civilisé et ce qui ne le serait pas.
Quant à la comédie, je crois que la comédie peut aussi être très brutale. Quand on traite la tragédie par le prisme de la comédie, cela rend le propos d’autant plus cynique et cruel. C’est ce qui se produit dans Dark Noon où, plutôt que de montrer la cruauté, nous la créons en direct sur le plateau.


La force du spectacle réside dans le fait que les bourreaux sont ici joués par des acteurs noirs poudrés de blanc. Comment est née l’envie de travailler avec des artistes sud-africains ? Comment est née la rencontre avec eux, et notamment avec Nhlanhla Mahlangu ?


C’est une longue histoire ; il faudrait revenir à la genèse du spectacle. J’ai toujours pensé que le continent africain avait un grand impact sur ma vie. Sans y être jamais allé, elle m’était intimement proche. Je souhaitais la connaître davantage, faire un spectacle sur l’Afrique, sur son histoire. Et assez vite, j’ai pensé que le western pouvait être un cadre intéressant pour cette narration.
Un peu par hasard, par relations interposées, j’ai rencontré Nhlanhla Mahlangu, lequel m’a dirigé vers William Kentridge, grâce à qui j’ai découvert d’incroyables acteurs sud-africains. Lorsque nous nous sommes tous retrouvés pour les répétitions, il m’a tout à coup semblé n’avoir plus aucun sens qu’un homme blanc raconte l’histoire de l’Afrique. J’ai alors proposé que nous partions de mon histoire, celle de l’homme blanc, celle de la migration blanche aux Etats-Unis; et cela nous a paru à tous beaucoup plus pertinent.
La force de ces acteurs noirs, c’est leur capacité à prendre le pouvoir. Je voulais que le spectacle change les rapports de force. Quand on regarde ces acteurs puissants, on est impressionné par leur talent ; ils créent d’emblée un rapport de domination. Ils prennent le pouvoir en tant qu’individu et en tant qu’artistes ; cela pose très directement les enjeux du spectacle.


Et vous n’avez pas connu de contestations dans le fait de peindre en blanc les visages des acteurs noirs ?


Cela aurait pu être le cas en effet, mais non, jamais. Parce que nous ne le faisons pas de manière provocatrice. Nous ne pointons pas du doigt des minorités. Nous cherchons à représenter le pouvoir.


Souvent dans vos spectacles vous travaillez avec des personnes ordinaires ? Ce n’est pas le cas dans Dark Noon où les acteurs sont professionnels. Pourquoi ?


Au tout début, nous avions pensé faire appel à des comédiens amateurs qui auraient souhaité migrer en Europe. Mais j’ai craint que le public, regardant des personnes réelles sur le plateau, les prennent un peu de haut. Et parce que je souhaitais que les interprètes prennent le pouvoir, nous avons choisi des acteurs professionnels très solides. Cela dit, ils sont aussi eux-mêmes sur le plateau, et plus le spectacle évolue, plus on voit les individus en eux, plus que les acteurs.
Pour moi, la question de la distribution est primordiale ; j’y consacre beaucoup de temps. Quand je travaille avec des personnes ordinaires, je cherche surtout à faire la distribution la plus juste, celle qui servira le spectacle au mieux.
Dans l’un de mes spectacles sur la prostitution, j’ai préféré travailler avec une véritable prostituée plutôt qu’avec une actrice qui jouerait une prostituée, ce qui n’aurait eu aucun sens. Cela aurait posé une dialectique assez peu intéressante sur l’interprète et le personnage.


La mise en scène de Dark Noon est co-signée par le metteur en scène et chorégraphe sud-africain Nhlanhla Mahlangu. Comment s’est passé le travail et la collaboration ?


Pour être honnête, j’étais assez effrayé en abordant les répétitions.


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