Le stagiaire devient, après une série de malentendus, l’homme providentiel puis l’homme à abattre. La comédie épingle la catastrophe de la société du travail, portrait narquois du monde professionnel et de ses délires.

Il n’avait plus beaucoup d’amis, Gégé. Lui, fondateur historique de l’entreprise, dont on retrouve le corps, ficelé à son scooter, jeté dans un canal. Plus grand monde au sein de la boîte de télémarketing pour en dire du bien. Il laisse une veuve, mais peu de regrets. Quand on annonce sa mort, un stagiaire, genre reconductible tous les ans, dit l’avoir croisé, une fois, pendant une pause sandwich. Ils ont échangé. Le garçon à l’emploi précaire est dès lors considéré comme le meilleur ami du défunt, et bientôt l’emblème de la firme. Mais il se prend les pieds dans les ficelles de la vie de bureau ; le quotidien du monde tertiaire, ce champ de bataille avec tyrannie de la performance, avec humiliation systématique des maillons faibles.
Dramaturge, romancier, inventeur foutraque et franco-suisse de la revue collaborative Ventscontraires.net, Jean-Daniel Magnin est aujourd’hui directeur littéraire du Rond-Point. Ses pièces ont été jouées au Festival d’Avignon, à la Comédie-Française. Metteur en scène, il promet de se concentrer sur l’énergie de ses acteurs, d’interroger le genre du stand-up, comédie à la parole grinçante, envahie ici de fantômes et de préoccupations actuelles. Pièce nécessaire, Dans un canard fait le portrait narquois d’un milieu professionnel et de sa tragédie. Elle épingle la drôle de catastrophe de la société du travail, ses dérives, ses failles, ses pièges, sa folie.

Pierre Notte