: Intentions
Dans la solitude des champs de coton est ma deuxième mise en scène. 127 fascination, mon spectacle précédent, était un monologue où j’interprétais un
montage de fragments de textes de Jim Morrison et pour lequel je partageais
la mise en scène avec Jean-Emmanuel Pagni. Bien qu’il s’agisse de deux auteurs
différents, je retrouve chez Koltès comme chez Morrison une écriture Pop,
fortement inspirée de la musique.
Cette fois-ci, mon objectif est de laisser à nouveau libre cours à mon goût
pour la tirade en doublant la distribution. L’actrice et metteur en scène
Charline Grand aura le rôle de regard extérieur afin que rien ne soit laissé au
hasard lors de ma présence sur le plateau.
Par mes expériences passées, j’aime me référer à d’autres disciplines que le
théâtre pour réaliser mes projets, notamment la musique et le sport.
127 fascination m’a permis d’expérimenter l’exercice particulier du solo et
d’en comprendre le mécanisme. Dans cet exercice, l’acteur doit évoluer
physiquement à la manière d’un sportif de haut niveau. La concentration,
l’endurance, la lucidité, la stratégie, le rythme, la maîtrise du temps, la finition, la
liberté de jeu, tout cela fait écho à cette solitude qu’éprouve le coureur de
fond.
Ce que je recherche avant tout sur scène : ramener l’action dans
l’immédiateté par une expression brute et spontanée - trouver l’essence de la
phrase. Les personnages naîtront donc à partir du texte et non l’inverse. Je
pense que cela constitue une des plus grandes difficultés pour la réalisation de
ce spectacle - les acteurs devront rester les vecteurs du texte.
Toute volonté de parasiter le sens serait le meilleur moyen de limiter la
puissance du discours. Ce rapport au texte permet aussi de laisser une liberté
de compréhension au spectateur tout en faisant de lui un créateur à part
entière.
Mes expériences en tant qu’acteur avec les textes de B-M Koltès me poussent
à continuer en ce sens. Après avoir interprété Roberto Zucco et Hamlet, je
voulais absolument renouveler cette mise en oeuvre à travers le rôle du
Client. Le langage diplomatique, qu’empruntent les personnages Koltésiens,
reste celui qui m’a procuré tantôt le plus de plaisir, tantôt le plus de résistance
- il est avant tout une technique à acquérir. Chez cet auteur, il y a quelque
chose de méticuleux, de délicat, mais qui demande aussi parfois un lâcher
prise et beaucoup de coeur.
Je trouve dans cet exercice des similitudes avec le travail que je produis en
tant que musicien. Ces longs monologues présents dans la solitude et dans
d’autres pièces de Koltès sont construits à la manière des lignes mélodiques de
guitares – ils sollicitent régulièrement les attaques, et demandent de jouer la
note tout en pensant à la mesure suivante.
À l’image d’un duo de musiciens, DSCC est un « boeuf » entre un Blues Man
et un gars du Rock, il ne défendent pas la même cause mais jouent ensemble,
accordés, à l’écoute de l’autre, en place. Cette pièce aurait pu être un long
morceau des Brian Jonestown Massacre.
Nous pouvons considérer que cette pièce parle d’hostilité et de méfiance. Elle
est d’une part un moyen pour moi de mettre en exergue cette hostilité et
cette méfiance dans lesquelles notre société nous plonge. Ici, comme dans le
contexte actuel, la diplomatie n’est qu’un gain de temps avant d’arriver à
l’inévitable conflit.
D’autres metteurs en scène, notamment Patrice Chéreau, avaient articulé
DSCC, à juste titre, autour de la notion du « Désir » ; ici, par le biais des deux
personnages, je veux mettre aussi en perspective les rapports diplomatiques
entre l’Afrique et l’Occident.
Pour rappel, B.M Koltès avait pensé les rôles tels quels : un dealer noir
d’origine africaine et un client blanc bien de chez nous, tous deux pourvus
d’un langage et d’une philosophie qui leur sont propres.
J’estime que cette lecture des rapports Nord-Sud mérite d’être davantage
reçue, le dealer sera noir et le client sera blanc. L’acte clandestin et le discours
à double sens des personnages peuvent aussi montrer symboliquement que
d’autres enjeux - importants et souterrains - se jouent entre Occident et
Afrique.
Néanmoins, la manière de mettre en scène demandera d’autres angles
d’attaque pour laisser transparaître librement ces questions de fond. Ma
certitude est qu’il n’y aura ni bon, ni méchant, je laisserai les personnages
s’exprimer concrètement sur un même piédestal.
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