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Dans la solitude des champs de coton

mise en scène Roland Auzet

: Présentation

Selon notre héritage du regard de Bernard Marie Koltès sur le monde et s’il fallait caractériser l’état des choses, nous pourrions dire que nous en sommes aujourd’hui “après la Bacchanale”, “après l’orgie”, c’est à dire après le moment explosif de la modernité et celui de la libération dans tous les domaines.


Alors, que faire ? A travers « La solitude des champs de coton », Koltès propose de réinvestir le questionnement de la relation à l’autre. Deux présences, différentes, où la question centrale du désir se joue, se marchande. Un dialogue de deux solitudes enfermées par la question sous-jacente à tout échange : « Que me veux-tu ? ». Et d’obliger l’autre, par tous les moyens du discours, à se dévoiler, à répondre au manque fondamental, à cracher un peu de sa vérité… Chacun vit au piège qu’il tend à l’autre, dans une affinité sans fin, qui doit durer jusqu’à la fin de ses forces. Comme dit Baudrillard “Chacun veut son autre”. Dans l’impétueux besoin de le réduire à merci, et dans le vertige de le faire durer pour le « déguster ». Chez Koltès, les logiques opposées du supposé et du vraisemblable s’unissent dans une danse de mort qui n’est que pure jouissance de la fin de l’autre. Car le désir de l’autre est aussi toujours le désir de mettre fin à l’autre… le plus tard possible ? La seule question est de savoir qui tiendra mieux le coup, en occupant l’espace, la parole, le silence, l’intérieur de l’autre, dépossédé de lui-même au moment où il est sommé dans sa différence. On ne tue pas : on pousse l’adversaire à désirer, à exaucer sa propre mort symbolique.


Le monde de Koltès est un piège qui fonctionne parfaitement. Chacun entend parfaitement ce que l'autre dit ou veut dire et s’il n'y répond pas, ce n'est pas parce qu'il ne comprend pas, mais parce qu'il “refuse de faire le cadeau à l'autre de l'intelligibilité de sa pensée - ou de son désir”.


Avec Anne Alvaro (dealer) et Audrey Bonnet (client), j’ai le sentiment qu’une altérité, une étrangeté (en fin de compte) intelligible, pourrait être le secret de la pièce et de la singularité de l’événement de l’autre… L'objet du désir doit passer par une transaction avec l'autre. Montrer le contact avec son semblable et le caractère immédiat, fortuit, sauvage de ce contact et faire voir comment à partir de ce rapport de fortune, vient à naître la forme absolument inattendue de ce texte. Une forme puissante qui dépasse une simple vision d’une convention sociale comme s’il s’agissait là d’un élément impossible à dominer… Aujourd’hui, le monde se questionne par « l’indifférence ». Une fois passée la bacchanale (voir plus haut) la libération laisse tout le monde en quête de son identité générique avec une circulation active des signes et des possibles.


C’est à cet endroit que la vision du texte de la « Solitude… » portée par deux femmes devient puissant et nous dit combien son propos est plus que jamais d’actualité.

Roland Auzet

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