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Crowd

Gisèle Vienne ( Conception )


: Présentation par la Cie

A partir de réflexions menées autour de la violence et du rapport que nous pouvons entretenir avec elle, ce projet porte sur les différentes manières dont une communauté spécifique peut gérer (ou non) son expression. En nous inspirant de différents types de fêtes et de rites, religieux ou laïques des plus archaïques aux plus contemporains, nous entendons construire une pièce qui en analyse une possible structure-type. Et ainsi interroger le besoin de la violence comme partie intégrante de la société civilisée ainsi que les lieux possibles et/ou nécessaires de son expression. Ce projet s’inscrit dans notre travail qui, depuis de nombreuses années, porte sur les questions liées à la violence et à ses représentations.



Le contexte que nous prenons en exemple est celui d’une fête qui serait improvisée par un groupe de jeune gens au XXIe siècle, en Europe. L’intensité de la musique et l’excitation qui amène ces personnes dans ce lieu créent un terrain favorable à une sorte de grand huit émotionnel ou, plus précisément, d’une multitude de grands huit émotionnels qui s’entremêlent. Nous élaborons avec Dennis Cooper un sous-texte pour quinze jeunes personnes sur scène, interprétées principalement par des danseurs, dans une pièce où la danse populaire est l’activité principale du groupe et dont aucun dialogue ne sera audible. Ce sous-texte déploie autant d’histoires que de personnes sur scène, et les mouvements de chaque individu, comme ceux du groupe dans son ensemble, portent ces multiples narrations. Les rapports et l’articulation entre les émotions individuelles, qui traversent chacune des personnes sur scène, et celles, collectives, engendrées par le groupe lui-même, sont minutieusement observés. Une escalade de différentes expressions de violence-type se construit dans ce contexte de fête dansée. Il s’agit de comprendre quels types de violence sont en jeu, leur nécessité, leur impact et la manière dont le groupe et la fête vont les stimuler, les gérer, les intégrer, les résorber ou non.



Cette escalade d’actes génère une excitation, qui peut stimuler des sentiments les plus divers. C’est la multitude et l’ambiguïté des sentiments eux-mêmes, qui génèrent la violence et que la violence génère, qui sont dépeints et décortiqués. J’essaie de considérer la violence de manière très disparate, à travers différentes intensités et exemples de son expression. Les plaisirs, les désirs et les tensions érotiques générées par ce type de situations sont les éléments centraux de cette pièce, qui déterminent les comportements des personnes sur scène. Le rapport de ces sentiments à la violence construit l’axe central autour duquel s’articule ce groupe. De manière complexe, c’est l’aspect jubilatoire et possiblement émancipateur de la violence que nous observons principalement. La fête joue son rôle de stimulant émotionnel de manière très forte, auquel les participants réagissent de manière particulièrement sensible. Il s’agit d’interroger le besoin de violence comme partie intégrante de la société civilisée, et d’aborder plus spécifiquement ses aspects positifs.



A travers une chorégraphie et une mise en scène qui découpent et détendent le mouvement et donc le temps, les spectateurs peuvent observer très précisément le détail de ces comportements, tout en vivant une expérience qui suscite l’empathie. Les différents jeux rythmiques créés par les distorsions temporelles provoquent une stimulation physique et une excitation particulière. Les situations types représentées conduisent à de multiples expériences dans lesquelles le spectateur peut se retrouver. La distorsion temporelle provoquée par la nature de cette chorégraphie suscite un sentiment de sensualité et de nostalgie très fort.



La chorégraphie mise en œuvre à cet effet permet ces observations très précises à travers la dissection minutieuse des mouvements souvent fragmentés, détendus et retouchés. Ils sont composés de différents registres gestuels, créant ainsi une pièce articulant de manière très dynamique, l’immobilité, le tableau vivant, le mouvement arrêté, le mouvement décomposé et son développement fluide, voire précipité. Ces jeux chorégraphiques permettent un regard détaillé de l’action, et génèrent aussi une excitation chorégraphique proprement musicale à travers ces différents jeux de rythmes à l’intérieur même de la chorégraphie, mais aussi en lien, et souvent en tension, avec la musique.



La musique vibre de différentes manières avec l’espace et la situation. Elle semble être en partie diégétique, même si ce rapport n’est jamais tout à fait certain. Cette musique, qui semble être celle de la fête, est constituée de morceaux issus de la mouvance techno, très dynamiques, composés de sons durs et érotiques et de sons plus sensuels, dont l’enjeu est une stimulation très forte des sens et une incitation toute aussi forte à danser. Ce DJ set est constitué de morceaux venant principalement de musiciens de Detroit du début des années 90 autour du Label Underground Resistance. Une autre partie de la musique apparaît comme extradiégétique. Cette composition originale de Peter Rehberg et Stephen O’Malley (KTL), amène un autre type de distorsion temporelle et, si le DJ set provoque l’émotion du groupe, cette musique évoque bien davantage l’intimité dans le groupe. L’émotion très forte nait aussi des sonorités et vibrations créées par le duo à travers leur composition. Leur travail très singulier sur les sons et leur diffusion, élaborée comme de véritables sculptures sonores en font une expérience sonique profondément physique des plus puissantes pour le spectateur.



L’expérience de la pièce, qui est essentiellement sensible, invite à interroger de quelles manières la fête, la danse et la musique influencent et stimulent les émotions collectives. Plus spécifiquement, elle interroge l’empathie provoquée par la musique et la danse, et les liens entre violence et plaisir, tout comme le rôle des émotions. Une meilleure compréhension des émotions individuelles et collectives est une expérience essentielle qui permet une bien meilleure compréhension des comportements au sein de notre société. Le théâtre semble être un espace particulièrement adapté à ce type d’expériences. Il s’agit de comprendre les émotions collectives qui animent le groupe représenté (les interprètes), et celles qui animent le groupe qui le regarde (les spectateurs), et de comprendre la nécessité et les bienfaits possibles engendrés par ce type d’expérience.



Il m’importe de travailler sur certains types d’expression de la violence qui font bien partie de l’Homme civilisé et se révèlent nécessaires, et ainsi de questionner les discours qui tendent à décrire la violence comme nécessairement barbare. Également de comprendre les rapports qu’entretiennent plaisirs, excitations, ou autres émotions positives, avec la violence. La place de la violence, interrogée, jusqu’à présent, de manière essentiellement intime dans mon travail, l’est à partir des sentiments qui animent également l’ensemble du groupe social dans ce nouveau projet. Si le besoin de violence fait partie intégrante de la société civilisée, il est nécessaire d’interroger les différentes manières dont il se manifeste et se satisfait, et de penser ce que la société peut mettre en œuvre pour l’intégrer, sans mettre en péril l’équilibre de la communauté.

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