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Courts-Circuits

+ d'infos sur le texte de François Verret
mise en scène François Verret

: La Pièce

Lieu de la fiction, le théâtre permet au chorégraphe et metteur en scène François Verret de prendre son temps. De sortir du temps compté, du temps pressé, du temps mesuré, du temps de la rentabilité et du profit immédiat, de l'urgence et de l'aveuglement, pour installer un temps «qui n'a de compte à rendre à personne ». Prendre le temps de faire voir et entendre les visions, les pensées, les questions, que l'état du monde contemporain inspire aux différents artistes qu'il réunit autour de lui : danseurs, acteurs, musiciens et circassiens. C'est après les lectures croisées d'un roman de l'écrivain Don DeLillo L'Homme qui tombe, décrivant l'atmosphère d'une rue de New York au soir du 11 Septembre 2001, et d'un texte scientifique, L'Éveil, cinquante ans de sommeil, où le neuropsychiatre Oliver Sachs détaille une pathologie incurable plongeant les malades dans une léthargie dont ils ne peuvent sortir qu'en avalant des drogues puissantes mais dangereuses, que François Verret a commencé à imaginer ce que pourrait être sa nouvelle création, Courts-Circuits. Dans un espace « post-traumatique », des hommes et des femmes conscients des brouillards qui les entourent, de l'absence d'horizon, bricolent les ressorts de leur propre survie ; ils se découvrent « proches » par le simple fait que tous sont sortis du temps qui règne au dehors, un dehors où tout s'accélère, où l'atmosphère est explosive, «insurrectionnelle », électrique... Longtemps, ils se sont trouvés pris, saisis, happés, emportés par un tournoiement de forces dévoratrices, affolantes, aveugles, nihilistes, contre lesquelles ils essayaient vainement de résister. Puis soudain, il y a eu une série de courts-circuits et, brutalement, ils se sont arrêtés, figés, immobilisés là où ils vivaient et travaillaient. Du même coup, ils sont devenus « obsolètes », inopérants, incapables de s'adapter aux vitesses et fluidités de circulation requises. Obstacles gênants sur les parcours rapides des gens dit « normaux », ils se sont retrouvés à l'écart et ont créé les conditions d'un « temps retardé », temps mythique qui transporte ailleurs, temps cathartique, « à rebours » de la vie d'aujourd'hui dite « réelle ». Là, ils exorcisent les figures qui les hantent et fondent l'espace d'une respiration commune. Face aux multiples formes de brutalités diffuses que notre monde contemporain génère, François Verret et ses compagnons opposent la violence : celle que Jean Genet revendiquait comme ultime défense possible lorsque l'individu ploie sous l'écrasement. Une violence qui, au-delà ou en deçà du cri, peut se faire tendresse, harmonie ou mélancolie, et se traduire dans les corps, dans les voix, dans les mots, les notes de musique et les images qui occupent le plateau. Au terme de cette aventure théâtrale, comment ne pas alors penser à Pier Paolo Pasolini et à sa certitude que l'artiste était le seul à pouvoir « dire ce qui se tait ».

Jean-François Perrier

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