« Le titre, en anglais, évoque à la fois le lien du contrat, et l’imminence de l’enfantement. Au coeur de la vie sociale, et de la vie organique. L’idée qu’une grande entreprise économique (ici représentée abstraitement par « le Groupe ») se fait du travail est-elle encore compatible avec la vie humaine en tant que vie d’amour, d’affects, de filiation ?

Ce discours de la grande entreprise, nous pensions le connaître par coeur, tant il est omniprésent, tant nous nous le sommes petit à petit introjecté, le plus souvent à notre insu, avec la complicité des médias. C’est là que Mike Bartlett est fort. Avec une langue simple, un anglais vraiment contemporain, il met face à face deux femmes dont la parole de l’une est dominée par celle de l’autre. Malgré tous ses efforts de soumission, Emma parle à la première personne, en tant qu’être humain, tandis que la seconde, dépourvue de nom, parle au nom du « Groupe », et seulement en son nom.

Or, que veut le Groupe ? Ça, nous le savons : les meilleures courbes de ventes possibles. Mais comment y arrive-t-il ? Mike Bartlett nous fait découvrir que le langage peut devenir une redoutable toile d’araignée. Les phrases longues et policées de la Responsable sont plus vénéneuses que les hurlements d’un autocrate. L’auteur s’inscrit dans la lignée du Pasolini des Écrits Corsaires, même si les figures de Pinter et de Beckett ne sont jamais loin.

Le miroir tendu sans complaisance sur les « techniques de management », devient un cauchemar ordinaire que Mélanie a mis en abîme par la vidéo - celle du versant de la vidéo-surveillance. Le mal a une nouvelle figure et à défaut de nous indiquer comment le combattre, Mike Bartlett, comme par un effet de cubisme littéraire, l’a mis en pièces sous nos yeux. »

Pascale Breton

janvier 2012