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Comme il vous plaira

mise en scène Christophe Rauck

: Entretien avec Christophe Rauck

par Isabelle Demèyere

Pourquoi monter la pièce ?


C’est le deuxième spectacle que j’avais créé avec ma compagnie il y a tout juste vingt ans. J’ai toujours eu l’impression d’avoir raté ce premier rendez-vous et toujours eu en projet de la remonter. Je devais la mettre en scène au TGP, quand j’ai appris que Patrice Chéreau la programmait à L’Odéon... Mais il a disparu avant. Aujourd’hui, je souhaite aller à l’essentiel : je monte la pièce pour la n du 2e acte et le début du 3e. J’ai retiré des scènes pour arriver vite à l’endroit qui m’intéresse sans me faire piéger par la narration. Car il y a dans cette pièce un peu monstrueuse, trois moments d’exception : deux joutes entre les deux amoureux que sont Orlando et Rosalinde et le monologue de Jacques le Mélancolique qui préfigure le long monologue d’Hamlet.


Retravailler l’œuvre.


Si j’ai retiré certaines scènes, j’ai aussi changé l’ordre pour accéder à une narration plus chronologique. Une des scènes de chasse fera office de prologue, celle qui commence par : Quel est celui qui a tué le cerf ?


Et au fond, il y a quelque chose d’assez violent là- dedans. On peut penser que Comme il vous plaira est une pièce assez sobre , avec cette histoire de cousines qui s’adorent... Mais ces femmes s’échappent, elles partent en exil : la violence est là, elle est sourde mais elle est là quand même. Il s’agit de faire entendre que la violence fait aussi partie de la vie, de l’amour, de l’amour d’un père et d’une femme, d’un père et d’une fille, de deux cousines... Comment donc faire passer la violence au théâtre sans casser un décor, ce qui a été déjà vu et revu. C’est là que m’est venue l’idée d’utiliser un mot qu’on n’utilise pas souvent au théâtre, c’est l’illustration. C’est un mot banni. Car si on est illustratif on n’est plus théâtral, on met de la crème sur du beurre. L’idée était de travailler avec ce mot qu’on n’emploie pas, de le placer à un autre endroit...


On est parti sur quelque chose de sobre et la présence importante de la forêt signée par deux grandes toiles et de nombreux animaux empaillés sur scène. On a racheté les cerfs de la Comédie-Française qu’on avait utilisés sur Le Mariage de Figaro... Le son comme un acteur - J’ai choisi le son pour prendre en charge la mise en place de ce patchwork baroque, pour faire entendre, via une voix o ou des passages au micro, les scènes moins importantes, comme un peu une post-synchro, quelque chose d’un peu détaché... Mais aussi et surtout pour travailler sur la question du temps très présente dans la pièce et qui m’intéresse toujours dans le cadre de la représentation. Quand est-ce qu’on ramène le temps de la fiction au temps de la représentation ?


J’aimerais qu’on arrive à faire en sorte que l’espace scénique ne se joue pas avec la lumière comme cela se fait le plus souvent mais avec le son. On crée du champ, du contre-champ, une voix intime, qui livre l’intériorité du personnage, et une voix naturelle plus narrative. On passe ainsi dans des espaces temps complètement différents, le micro étant utilisé ici comme un pauvre accessoire de théâtre, un masque qu’on porte ou qu’on enlève - comme je l’avais expérimenté sur Amphitryon avec les comédiens russes - et non pas le signe d’un théâtre contemporain, un peu clean, en lien avec son époque néolibérale...


Il fallait s’amuser aussi avec les micros et les superpositions : s’amuser à détourner une technique de pointe et changer le rapport à l’esthétique qu’elle suggère. Il y a une petite irrévérence dans le rapport à l’illustration, de s’amuser à s’amuser, de manière sérieuse pour que le spectateur puisse entrer dans cette histoire. Car il s’agit de rentrer dans la pièce mais aussi de rentrer dans Shakespeare qui s’amuse de ce qu’est le théâtre à l’époque.


La musique, les costumes.


La musique - comme les costumes, juste un manteau pour le duc - sera anglaise, du XVIIe siècle avec un peu de Purcell, à aujourd’hui : Les Beatles, Queen. Tout sera chanté à cappella.


La poésie à l’œuvre


L’histoire est toute simple, on est dans un rapport à la poésie. Shakespeare s’amuse avec un mouvement littéraire en vogue à l’époque, directement inspiré par Pétrarque, ce jeune poète italien, qui a vécu à Avignon où sa vie va basculer en 1327, le jour où il voit pour la première fois Laure de Noves, une jeune femme mariée. Pétrarque va, dès lors, lui vouer une passion platonique qui inspirera toute sa poésie, sa vie durant. Il va l’aimer vingt ans, jusqu’au jour où il va apprendre qu’elle a succombé à la peste, et ne cessera de la regretter durant les vingt-six ans où il va lui survivre.

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