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Colère !

mise en scène Solange Oswald

: Présentation

Où est passée notre colère?


Est-elle retenue en nous comme une belle endormie?
L’avons-nous avantageusement vendue? L’avons-nous confiée à nos hommes politiques pour qu’ils en fassent des spectacles à la télé?


Peut-être sommes-nous en train de nous en dépouiller comme les oripeaux d’un théâtre suranné...
Et si cela est :
Où se vide notre “âme” des terreurs, des rancoeurs, des humiliations, des injustices qui nous encombrent ?
Où aller pour calmer la divagation incessante, le tumulte, le vacarme, les mille voix du dedans?
Où peut-on encore déclencher ces scènes de colère, se laisser aller à cette folie?
Où se trouve encore ce lieu originel où s’inscrivent les expériences de notre sensibilité? Sommes-nous condamnés par indifférence à l’avachissement et à la mort lente ?
Et si cela est : par quoi? Par qui?
Pour tenter encore une fois de remettre ensemble dans un équilibre nouveau la folie et la raison.
Pour préserver la part d’anarchie et de révolte comme le préconisait Flaubert avec ses “gueuloirs”, nous inventerons dans notre théâtre* ces espaces salutaires. Bonne visite.


Solange Oswald




Le projet


Le thème :
Colères exprimées ou colères refoulées et l'empoisonnement qui s'ensuit.


La situation :
Le corps séparé entre la chair qui jouit ou qui souffre et l'esprit qui veut comprendre, évoluer ou dominer. Bref, la mise en scène d'une nouvelle forme de schizophrénie.


Il s'agirait de réactiver la colère, noyau dur de la cohérence individuelle et l'affronter aux intérêts de la communauté.


Nous innocents, sommes conditionnés comme consommateurs pour aller vers une jouissance sans limites, vers une liberté sans entrave et, en tant qu'occidentaux nous baignons, comme par fatalité, dans nos privilèges.
Nous coupables par notre aveuglement (cette jouissance n'enlève-t-elle pas à certains leur dignité et leurs moyens de survie ?). _ Nous innocents coupables sommes devenus ces anti-héros, ces figures tragiques, condamnés à l'impossibilité de nous révolter. Impuissants et complices, nous refoulons nos révoltes et, implicitement, nous nous soumettons à l'idéologie du développement et du progrès.


Alors tout de même, avec ces considérations tragi comiques, nous inventons une installation pour :
d'une part, chanter avec les textes des poètes notre corps révolté, pour faire s'écouler nos culpabilités sourdes et latentes;
d'autre part, continuer à questionner résolument le système politique et économique qui a conduit au désastre ambiant.
Tenter encore et encore par le poème de retrouver l'unité perdue.


Solange Oswald




Une “promenade installative”


Notre souci est toujours de trouver la forme d'adresse pour un théâtre d'aujourd'hui.
De tradition, le théâtre a toujours soulevé les grandes questions politiques de son temps et proposé des ouvertures à l'imaginaire par des remises en questions de la forme.
Tout dernièrement, le grand Brecht a essayé de revaloriser le raisonnement dialectique pour encourager la transformation sociale. Pour bâtir son spectacle dans la "Jungle des villes", il traçait deux colonnes pour le contenu de chaque scène. Dans l'une, il décrivait le chaos des sentiments et montrait les comportements troublés de ses personnages. Dans l'autre colonne, il notait des raisonnements dialectiques pour pousser le spectateur à comprendre les situations contradictoires dans lesquelles ces mêmes personnages étaient pris.
Il tentait déjà de mettre en scène l'atomisation de l'homme moderne séparé entre ses instincts de conservation et la raison collective. Sa forme dite épique a inventé une noble pédagogie par l'art.
Avec la sensibilité d'aujourd'hui, nous ne ferons que continuer et radicaliser son interrogation et nous aussi nous allons matérialiser par le biais de l'" installatif " les deux espaces brechtiens et leur fragmentation.
D'une part, le chaos de la chair et sa nécessité de remplir le corps, d'autre part, l'immatérialité de la pensée qui s'exprime dans un flux.
La fable aussi disparaît en micro récits, la scène explose et le spectateur est mêlé lui-même à l'action, il en fait partie.
Baigné dans l'atmosphère de la scène installée comme une exposition, il saisit dans l'immédiateté les conflits douloureux qui sont les nôtres. Il est à la fois regardant et regardé. Son corps entier est baigné dans la sensation.


Solange Oswald




Tentative de paysage pour nos colères


Voici un paysage pour nos colères, un paysage pour essayer de les piéger, embusquées qu'elles sont entre nos désirs et notre raison, un paysage pour qu'elles acceptent un instant de jouer le jeu du théâtre.
Ce poing fermé dans sa poche peut-il sortir sous prétexte de théâtre ? Car si les colères sont souvent au centre du théâtre, il semblerait aussi qu'elles s'y refusent.
Alors, tentons de voir ce qui nous met aux abois et nous amène vers ces colères.
L'homme coincé, l'homme piégé, " l'homme circulé " vont-ils râler pour nous ?
Ceci n'est pas un ours dans sa fosse. Ceci est peut-être un homme contemporain.
Poser un paysage pour tenter de déchirer l'opacité de nos émotions face à nos valeurs piétinées, méprisées, bafouées.
Tentons l'expérience.


Toujours pas !


Nous aussi nous aurions aimé avoir ces grandes colères dignes de pourfendre nos injustices les plus retorses.
Nous aussi la mythologie du glaive salvateur ça nous a plu. Seulement voilà, à chaque fois qu'un glaive retombe, il crée un flot de sang avant de nous "croûter" la conscience. Quant au leader charismatique prêt à rentrer dans la mêlée…
Non merci ! Toujours pas.
Nos colères, on les tiendra au chaud précieusement, comme un poêle qui ronronne et dont attiser les braises n'est pas laissé à n'importe quel malin.
On ne les laissera pas coter en bourse. Ou faire des boutons de manchette.
Non.
On en jouera, un moment. Pour surtout ne pas les laisser s'éteindre.


Joël Fesel

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